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Libération
Chronique «Miroir d'outre-Rhin»

Angela Merkel, personnage de fiction prisé

Miroir d'outre-Rhindossier
Chronique, sur la vie, la vraie, vue d'Allemagne. Ce voisin qu'on croit connaître très bien mais qu'on comprend si mal. Au menu de cette semaine, la chancelière, personnage de fiction prisé par les Allemands. Un film la met en scène lors de 63 jours précédant la décision de laisser venir les réfugiés en Allemagne en 2015.
Angela Merkel, incarnée par Imogen Kogge, en plein petit-déjeuner avec son compagnon, Joachim Sauer (Uwe Preuss), dans le film «Die Getriebenen». (Photo DR)
publié le 15 avril 2020 à 14h31

Mercredi, Angela Merkel sera omniprésente à la télévision en Allemagne. D'abord lors d'une conférence de presse dans l'après-midi, où elle fera le point sur l'épidémie de coronavirus avec les présidents des seize Länder, afin d'annoncer si des mesures de déconfinement sont envisageables dès le 19 avril. Mais aussi le soir, en prime time, comme personnage de fiction dans le film Die Getriebenen.

Adaptation rythmée du best-seller du journaliste politique Robin Alexander, le film retrace les soixante-trois jours précédant la décision de laisser venir près d'un million de réfugiés en Allemagne, avec le fameux «Wir schaffen das» («Nous y arriverons») – sans conteste la phrase la plus marquante de la chancelière aux quatre mandatures. Il met en scène une Merkel particulièrement empathique, et mêle archives documentaires et reconstitutions, comme ici lors de la conférence de presse Hollande-Merkel du 24 août 2015, où l'on voit sur la même image le «vrai» Hollande et la «fausse» Merkel.

Pour le réalisateur du film, Stephan Wagner, le sujet se prêtait particulièrement à ce genre de mélanges : «Lorsque des milliers de personnes campent dans la gare de Keleti, à Budapest, aucune mise en scène du monde ne peut rendre compte de la situation aussi fidèlement que l'image documentaire de l'événement.»

La chancelière est incarnée par l'actrice Imogen Kogge, connue du grand public pour avoir interprété le rôle de la commissaire Johanna Herz dans la série Polizeiruf 110, le Tatort est-allemand. On retrouve tous les protagonistes de l'époque, de Juncker à Orban, du ministre de l'Intérieur Thomas de Maizière au président de la Bavière Horst Seehofer. Des personnages parfois encore en exercice, qu'il est d'autant plus étrange de voir à l'écran.

Mais ce n'est pas la première fois qu'Angela Merkel fait l'objet d'une fiction. En 2017, l'écrivain Konstantin Richter lui a consacré un roman, portant sur la même période, l'été 2015. Car pour beaucoup, certaines des motivations de Merkel lors de cette décision restent mystérieuses. Après tout, le 15 juillet, elle fait pleurer une jeune Palestinienne en lui expliquant que tous les réfugiés ne vont pas pouvoir venir en Allemagne, tandis que le 31 août, elle prononce le fameux «Wir schaffen das». «Il doit y avoir eu en elle une transformation émotionnelle dont nous ne savons rien», dit Konstantin Richter.

Héroïne de comédie

Autre facteur faisant de Merkel un personnage de fiction prisé, la simplicité apparente de sa vie quotidienne. En pleine crise du coronavirus, on l'a vue pousser son chariot avec force bouteilles de vin et un (seul) paquet de papier toilette dans un supermarché berlinois. Quand elle est en goguette dans le Brandebourg, les riverains la voient se détendre au lac, comme tout le monde. Comme le dit l'écrivain Konstantin Richter, «c'est étrange de voir un tel personnage d'histoire contemporaine dans la rue le matin».

C'est peut-être pour cela qu'elle a aussi été une héroïne de comédie, comme dans ce désarçonnant film de 2015, la Chancelière perd la tête. Merkel, alias Katharina Wendt, se réveille amnésique après un accident. La chancelière se croit alors en 1989 et devient obsédée par l'idée de faire tomber le Mur de Berlin…