Ce n’est bien sûr pas une surprise, mais c’est un moment important dans la campagne présidentielle américaine, reléguée au second plan par la pandémie de coronavirus: Barack Obama a apporté officiellement ce mardi son soutien à son ancien vice-président, Joe Biden, dans un message vidéo. Un appui de poids pour celui qui devra rassembler le parti démocrate après l’abandon de son rival Bernie Sanders, et fera face à Donald Trump lors de la présidentielle de novembre. L’ancien président, toujours très populaire auprès de l’électorat démocrate, s’est tenu à un quasi-silence public depuis son départ de la Maison Blanche, en janvier 2017. Comme il l’avait fait en 2016 avec Hillary Clinton, Barack Obama a attendu la victoire claire de Biden pour se prononcer.
«Personnalité et expérience»
La pandémie de Covid-19 en toile de fond, Obama dresse un portrait louangeur de Joe Biden, 77 ans. Et une sévère critique, en creux et sans jamais le nommer, du président actuel: «Ce type de leadership guidé par la connaissance et l'expérience, l'honnêteté et l'humilité, l'empathie et la grâce, n'est pas réservé aux capitales des Etats et aux bureaux des maires. Il appartient aussi à la Maison Blanche.»
Rappelant les nombreux drames familiaux qu'a dû affronter Joe Biden, l'ancien président le présente comme un fervent défenseur de la classe moyenne, et loue sa gestion de l'après-crise financière de 2008, et des épidémies H1N1 et Ebola. «Joe a la personnalité et l'expérience pour nous guider dans ces temps très sombres», insiste-t-il. Contrairement à l'administration en place, sous-entend Obama, Biden «saura s'entourer d'experts, de scientifiques, de responsables militaires qui savent véritablement comment diriger un gouvernement […], et qui mettront toujours les intérêts du peuple américain avant les leurs.»
Vice-président d'Obama pendant ses deux mandats, Biden n'a eu de cesse, pendant sa campagne, de rappeler sa complicité avec «Barack». Cultivant sa popularité notamment auprès des Afro-Américains, électorat-clé du parti démocrate qui lui a apporté sa première victoire, fin février en Caroline du Sud. Une primaire-pivot pour sa campagne après une série d'échecs, qui a enclenché abandons de rivaux et ralliements en chaîne. Joe Biden doit être désigné officiellement candidat lors d'une convention démocrate, repoussée à mi-août par la pandémie de coronavirus.
Appel du pied
Dans sa vidéo, Barack Obama rend également un hommage appuyé à Bernie Sanders, tout en reconnaissant «n'avoir pas toujours été d'accord sur tout» avec lui. Le sénateur indépendant du Vermont s'est retiré de la course la semaine dernière, et a officiellement rallié Joe Biden lundi. Saluant le «dévouement» de «Bernie» tout au long de sa carrière politique, et «les idées qu'il a défendues, l'énergie et l'enthousiasme qu'il a inspirés» pendant sa campagne, l'ancien président fait un appel du pied à l'électorat progressiste de l'ex-candidat socialiste, et notamment les jeunes démocrates qui l'ont massivement soutenu lors des primaires. Joe Biden aura besoin de leur vote pour l'emporter en novembre.
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«Pour la seconde fois en douze ans, nous aurons la tâche monumentale de reconstruire notre économie, rappelle Obama, alors que 16 millions d'Américains se sont inscrits au chômage ces trois dernières semaines, conséquence des mesures de fermeture pour lutter contre la propagation du coronavirus. Pour être à la hauteur du moment, le parti démocrate devra être courageux […] Même avant que la pandémie ne bouleverse le monde, il était clair que nous avions besoin de réels changements structurels. Les grandes disparités créées par la nouvelle économie sont plus faciles à voir aujourd'hui, mais elles existaient bien avant», souligne Obama, qui tente de donner des gages à la gauche du parti démocrate. Evoquant plusieurs sujets à propos desquels la plateforme politique de Bernie Sanders était beaucoup plus claire et radicale que celle de son ex-adversaire Joe Biden. Lutte contre le changement climatique, éducation, réforme de l'assurance santé: «Il est temps d'aller plus loin», insiste-t-il, appelant à «fournir à tous une option [de couverture santé] publique».
En novembre 2019, Obama avait cependant affirmé, devant des donateurs démocrates, que la bataille électorale se remporterait au centre. Les Américains ne pensent pas «que nous devons détruire complètement le système et tout recommencer», avait-il déclaré, affirmant que les Etats-Unis n'étaient pas un pays «révolutionnaire», référence implicite à la «révolution politique» que Bernie Sanders entendait mener.
«Etat de droit»
L’adresse d’Obama dépasse largement le cadre d’une simple vidéo de campagne pour soutenir son ami «Joe», ou pour tenter de réconcilier un parti qui fait le grand écart entre le centrisme de Joe Biden et le socialisme revendiqué de Bernie Sanders. L’ancien président, qui a observé un silence quasi monacal depuis qu’il a cédé les clés du Bureau ovale à son successeur, y décrit avec sévérité le règne du parti républicain ces trois dernières années.
«Les Républicains qui occupent la Maison Blanche et dirigent le Sénat américain ne sont pas intéressés par le progrès, assène-t-il. Ils sont intéressés par le pouvoir […]. Même au milieu d'une crise de santé publique, et alors qu'ils sont prêts à perdre des billions de dollars en revenus fiscaux au bénéfice des plus riches, ils ont offert aux pollueurs le pouvoir illimité d'empoisonner notre air et notre eau, en niant la science du changement climatique, tout comme ils nient la science des pandémies». La semaine dernière, l'administration Trump est revenue sur une des mesures phares d'Obama: les constructeurs automobiles devaient réduire les consommations de carburant de leurs véhicules de 5% par an jusqu'en 2026; l'objectif n'est plus que de 1,5%. «A maintes reprises, ils ont méprisé les principes américains de l'Etat de droit, du droit de vote et de la transparence. Des normes de bases, respectées par les administrations précédentes quel que soit leur parti. Des principes qui forment le socle de notre démocratie.»
L'ancien président des Etats-Unis, qui pointe du doigt «la colossale caisse électorale» de la campagne de Trump et son «réseau de propagande qui fait peu de cas de la vérité», admet que l'élection «ne sera pas facile à gagner». Mais la crise actuelle rappelle «qu'un bon gouvernement, les faits et la science comptent. Qu'en d'autres termes, conclut-il, les élections comptent.»