«La vague a commencé plus tard»
Dans ces conditions, comment le système a-t-il pu résister à la pandémie ? «Ici, la vague épidémique a commencé plus tard car la Grèce n'est pas au cœur de la mondialisation. Il n'y a pas autant de voyages vers la Grèce que vers la France ou l'Italie à cette période de l'année , explique Takis Panagiotopoulos, professeur d'épidémiologie à l'Université d'Athènes et membre du Comité des maladies infectieuses. Nous avions ainsi des éléments de comparaison internationale pour réagir et avons donc pris des mesures drastiques très tôt», dit-il.
Fin février, les rassemblements et carnavals sont interdits, les gestes barrières recommandés. Dès le 11 mars, écoles et universités sont fermées, puis les lieux de restauration et de culture deux jours plus tard. Depuis le 23 mars, le confinement généralisé est massivement respecté. Pendant quinze jours, cinq villages ont même vécu l'isolement total. En cause ? Des pèlerins revenus de Jérusalem et des marchands de fourrures rentrant de la semaine de la mode italienne, porteurs du virus. Les agents de la protection civile déposaient de la nourriture au pied de chaque maison. «En appliquant ces mesures, la courbe du virus n'a jamais été exponentielle», affirme le Takis Panagiotopoulos.
Si la Grèce a pris tôt ces mesures, c'est d'abord pour éviter une catastrophe dans un système hospitalier ravagé. Les tests font défaut. Il y a une pénurie de lits en soins intensifs (567 lits pour tout le pays). Spécialiste de maladies infectieuses, le professeur George Panayiotakopoulos détaille : «Nous avons développé un système de consultation téléphonique pour éviter aux patients de sortir. Mais en cas de nécessité, ils étaient envoyés vers des hôpitaux de référence.» Un médecin hospitalier ajoute, un brin ironique : «Tout a été fait pour éviter un débordement, jusqu'à administrer la chloroquine dès les premiers symptômes alors que ses effets ne sont pas prouvés.» George Panayiotakopoulos décrypte : «Dans un premier temps, la chloroquine a été prescrite, puis l'hydrochloroquine accompagnée d'un antibiotique, l'azithromycine. Nous avons appliqué ce protocole à partir de la littérature scientifique sur ce sujet. Si le patient est suivi, les risques sont faibles.» La Grèce, qui avait abandonné la production de médicaments à base de chloroquine pour lutter contre le paludisme, en produit à nouveau depuis la fin mars.
Inquiétude pour Pâques
Cela suffira-t-il à décourager la population de se rassembler ? Le gouvernement martèle «restez chez vous.» Le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, a appelé à la mi-avril «à la responsabilité de chacun». Ajoutant : «Cette semaine est la plus cruciale. Notre foi ne craint rien, contrairement à la santé des fidèles.» Même le très pieux Professeur Tsiodras a averti : : «Il ne faut pas rallumer un feu qui s'éteint.» D'autant qu'un autre feu couve, économique et social cette fois. Le secteur touristique est inerte alors qu'il représente 18% du PIB. L'économie, très dépendante de l'extérieur, donne très peu de signes de vie. Une situation d'autant plus préoccupante que personne n'avance la moindre thérapie qui pourrait, au plus vite, remettre en marche tous les rouages de l'économie grecque.