L'étroite route s'enfonce dans une sombre forêt de sapins. Au volant de son 4x4, Jean Cahill indique un bout de terrain dévasté. «Tout ce qu'il reste après le passage de l'ouragan Dorian», murmure l'épouse de pêcheur. Sa famille habite depuis des générations à Alberton, bourgade de mille habitants sur l'Ile-du-Prince-Edouard, dans l'est du Canada. Les 7 et 8 septembre 2019, des vents à près de 150 km/h ont déferlé sur la plus petite province du pays. Des dizaines d'arbres arrachés gisent encore au sol. «Des grosses tempêtes comme ça, on en reçoit de plus en plus souvent», assure la septuagénaire.
Quelques mètres plus loin, les quatre chalets familiaux s'accrochent contre vents et marées aux derniers mètres du rivage. Jean Cahill pointe une barrière à moitié détruite le long de la falaise, protection dérisoire contre les assauts de l'océan. Moins de dix mètres séparent les constructions des premiers flots. En 2000, la famille Cahill les avait pourtant installées à une soixantaine de mètres de la côte. «A l'époque, tout le monde nous demandait pourquoi on les avait mis si loin», se souvient avec amertume la propriétaire. Vingt ans plus tard, cinquante mètres de terre ont disparu. «C'est une course contre la montre, lâche Jean Cahill désemparée. La force de la mer est incroyable, personne n'y croit avant d'y être confronté.» L'automne prochain, elle déplacera les chalets avant qu'ils n'aient les pieds dans l'eau. «Après ça, j'espè