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Libération

Au Japon, l’autosatisfaction contestée de Shinzo Abe

par Karyn Nishimura, Intérim à Tokyo
publié le 4 mai 2020 à 20h26

Il y a le vétéran Shigeru Omi, la voix des experts, celui qui siège à côté du Premier ministre japonais, Shinzo Abe, lors de ses conférences de presse sur la crise du coronavirus. Il y a «l’oncle huit dixièmes», le professeur Hiroshi Nishiura, surnommé ainsi en raison de sa stratégie de «réduction des contacts humains de huit dixièmes». Ces deux figures sont les porte-parole du senmonka kaigi, le comité des spécialistes qui fait office de caution à Abe lorsqu’il déclare l’état d’urgence, le 7 avril, ou quand il le prolonge, lundi, jusqu’à la fin du mois parce que la tension dans les hôpitaux persiste. Ils l’ont demandé, il le fait. Legouvernement reprend mot pour mot les expressions de ses experts. Eviter «l’overshoot» (explosion du nombre de cas au-delà des capacités hospitalières), éviter les «3 mitsu» (situation de proximité facilitant la contagion). Problème : souvent, l’avis du senmonka kaigi et ceux de médecins ou d’infectiologues extérieurs ne se rejoignent pas. Et s’affrontent même via les médias ou les réseaux sociaux.

Les contradictions sont légion, même si officiellement, le Japon s’en tire bien mieux que les pays d’Europe. Sans avoir forcé ses citoyens à rester chez eux, il ne compte qu’un peu plus de 15 000 cas recensés et guère plus de 500 morts. Ces chiffres ne disent cependant rien des tensions dans les hôpitaux à Tokyo, où même obtenir un test est une gageure. Plusieurs personnes sont décédées avant d’avoir été testées, voire elles attendaient leurs résultats promis une semaine après le prélèvement, reconnaît le comité d’experts.

Autre problème : le manque de transparence dans les données communiquées. Personne n'est capable de calculer précisément le ratio de cas positifs sur le nombre de personnes testées, donc il est impossible de mesurer l'évolution de l'épidémie. «Notre pays est parvenu grâce à ses techniques de traque des foyers infectieux à mettre fin à la première vague du coronavirus, celle venue de Wuhan. Le nombre de personnes touchées par la deuxième vague en cours, celle qui a transité par l'Europe, a passé le pic et prend le chemin de la fin, s'est pourtant félicité lundi Abe. Ce mois de mai est celui au cours duquel nous allons en finir avec cette épidémie.»