Le déconfinement à la carte a débuté en Espagne sur fond de conflits entre le pouvoir central et les régions autonomes. Alors qu’une grosse moitié du pays est passée ce lundi en «phase 1», quelques présidents régionaux supportent difficilement d’avoir été relégués parmi les mauvais élèves, et de devoir attendre une date indéterminée pour que la «nouvelle normalité» entre en vigueur sur leur territoire. L’Andalousie, la communauté de Valence et la région de Madrid, maintenues totalement ou partiellement en «phase 0» par le ministère de la Santé, s’estiment lésées et multiplient les récriminations à l’encontre du chef du gouvernement socialiste, Pedro Sánchez.
Dans la communauté valencienne, où les provinces de Castellón et de Valence demeurent en «phase 0», le président progressiste Ximo Puig réclame des «indicateurs objectifs et objectivables» permettant de justifier le statut de chaque zone. En Andalousie, où les régions de Malaga et de Grenade doivent s'en tenir au confinement en vigueur depuis mi-mars, le conservateur Juanma Moreno accuse Madrid de «porter un coup fatal» à la Costa del Sol, la Mecque du tourisme de plage espagnol, actuellement fantomatique.
Hôtellerie
Mais c'est dans la région de Madrid que le conflit avec le pouvoir central est le plus acéré. La présidente régionale, Isabel Díaz Ayuso, du Parti populaire (opposition de droite), avait annoncé avant le week-end aux six millions de Madrilènes qu'ils allaient entrer en «phase 1», et donc renouer avec une certaine activité économique - notamment dans l'hôtellerie et la restauration. Or, le gouvernement central s'y est fermement opposé : «La dernière chose à faire est de forcer le rythme du déconfinement dans les zones les plus à risques, comme Madrid, l'une des plus touchées et donc fragiles. C'est précisément en se précipitant que la reprise de l'activité économique risque de s'ajourner encore davantage», a souligné la porte-parole de l'exécutif central. Depuis son siège de la Puerta del Sol, Isabel Díaz Ayuso accuse ce dernier de «pratiquer l'opacité», et insiste pour passer au plus vite à la «phase 1» : «Nous sommes le principal moteur de l'économie nationale, nous ne pouvons pas rester indéfiniment à l'arrêt.»
Sourde oreille
Le bras de fer madrilène illustre de façon flagrante les heurts récurrents entre le pouvoir central et les régions. D'autant qu'ici, les divisions sont aussi internes. Jeudi, la directrice régionale de la Santé publique, Yolanda Fuentes, a démissionné, estimant que «la précarité sanitaire ne permet[tait] pas le passage à la phase 1», estimant que sa présidente faisait la sourde oreille à ses requêtes. De l'avis général, la crise sanitaire avec commandement unifié a ravivé les dissensions dans un pays où les 17 régions disposent de larges prérogatives.
Le Parti nationaliste basque, le PNV, allié stratégique des socialistes à chaque prolongation de l’état d’urgence, a obtenu que les décisions soient prises dorénavant en accord avec chaque région. Pour parer les urgences économiques générées par la pandémie, Pedro Sánchez a aussi annoncé la mise en place pour les communautés autonomes d’un fonds non remboursable de 16 milliards d’euros. Un geste insuffisant pour calmer toutes les colères.