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Libération
CHRONIQUE «A L'HEURE ARABE»

Un «réveilleur du ramadan» érigé en vedette au Bahreïn en pleine crise du coronavirus

A l'heure du covid-19, certains rituels du ramadan souffrent de restrictions sanitaires. Pour autant, des piliers de ces traditions saisissent l'occasion de se réinventer comme Yasser al-Samak, «réveilleur du ramadan» depuis trente ans.
Yasser al-Samak, «réveilleur du ramadan», dans Bilad al-Qadeem, le 10 mai. (MAZEN MAHDI/Photo Mazen Mahdi. AFP)
publié le 16 mai 2020 à 17h14

«Le temps est arrivé de prendre le souhour, il est cette fois différent de tous ceux des années précédentes.» C’est avec ces mots, ponctués par des battements de tambour, que Yasser al-Samak brise le silence nocturne dans un village proche de la capaitale du Bahreïn, Manama, pour réveiller les jeûneurs pour prendre le souhour, la dernière occasion de manger et de boire avant le lever du soleil.

Le «réveilleur du ramadan», appelé aussi «messaharati», depuis trente ans est un ovni dans le paysage ramadanesque pour au moins deux raisons : primo, parce que ce rituel se raréfie dans les pays musulmans au profit des alarmes téléphoniques et, secundo parce qu'il décline ses chants sur le thème du coronavirus avec quelques touches d'humour.

Au Bahreïn, Yasser al-Samak, un cinquantenaire qui arpente toutes les nuits à la même heure les rues désertes de son village est un emblème local. Les habitants de Bilad al-Qadeem sont habitués à se réveiller au son de sa voix et apprécient ses chansons et poèmes novateurs qui parlent de la pandémie.

Du corona au «macarona»

Dans le royaume qui compte officiellement 5 818 cas, dont 10 décès, le «messaharati» se fait le chantre des soignants et appelle ses «fans» à respecter la distanciation physique. «Restez chez vous avec votre famille et assaisonnez votre repas d'espoir, car ceux qui comptent sur Dieu, seront protégés par Lui […]. Prenez des forces dans la prière et faites du masque un bouclier contre la pandémie», martèle-t-il mélodieusement. Par ailleurs, la vedette locale s'amuse à faire de drôles de jeux de mots autour du virus, surnommé «corona» en arabe, en conseillant aux musulmans pratiquants de se sustenter à base de «macarona» (pour parler des macaronis).

Hormis quelques commerces ouverts en raison du couvre-feu instauré pour lutter contre la propagation du coronavirus, le quotidien s’est vidé de toute interaction humaine si ce n’est la voix de Samak qui crée un véritable lien social. C’est ainsi que ses chants, partagés massivement sur les réseaux sociaux, lui font gagner en notoriété bien au-delà de son village.

Mais malgré tout, le «messaharati» regrette de ne plus être suivi par la foule habituelle de pratiquants lors de ses déambulations. «A cause du coronavirus, ce n'est plus comme avant, quand nous avions beaucoup d'enfants qui participaient», dit-il.