Avec ses créatures faméliques, la Cracolândia, ou «terre du crack», est une plaie béante dans le cœur de São Paulo. Un lieu infréquentable pour le citoyen «lambda». Alors, quand sur les images aériennes apparaît une femme enceinte (dûment masquée, soit dit en passant), Luiz Bacci, le présentateur de la très sensationnaliste émission Cidade Alerta, s'étouffe. «Une femme enceinte là-dedans, mes amis ! Croit-elle vraiment que son masque va la protéger du nouveau coronavirus ?»
Des cracolândias, «scènes d'usage public de la drogue», d'après les chercheurs, il y en a un peu partout au Brésil, premier consommateur mondial de ce dérivé bon marché et très addictif de la cocaïne qu'est le crack. Mais la plus grande et la plus organisée de ces communautés d'usagers qui fument le caillou à ciel ouvert est la «Craco» de la rue Helvetia, artère autrefois élégante de São Paulo. En temps normal, il y a là 600, 700 personnes, voire un millier le week-end. Ce «fluxo», comme on l'appelle, tient bon malgré le Covid-19, et au grand dam du présentateur vedette de TV Record : «Ces gens vont infecter toute la ville, il faut les faire hospitaliser de force !»
Au bout du fil, la Dr Ana Leticia Nery, coordinatrice de Médecins sans frontières (MSF) à São Paulo, déplore «la résurgence de toutes sortes de préjugés avec la pandémie». «Ceux qui peuplent la Cracolândia sont noirs, pauvres, marginalisés, poursuit l'humanitaire. Désormais, ils sont le