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Interview

Violences policières : «Il y a le sentiment que la justice et la loi ne sont plus un rempart»

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Violences policières, une colère mondialedossier
Pour l’historien Achille Mbembe, la colère qui a suivi la mort de Floyd montre que le sort longtemps réservé aux Afro-Américains est vécu par beaucoup d’autres.
L'historien Achille Mbembe. (Photo DR)
publié le 7 juin 2020 à 21h01

Les questions raciales sont au cœur du travail d’Achille Mbembe, historien et chercheur à l’Université de Witwatersrand à Johannesburg en Afrique du Sud. D’origine camerounaise, il a enseigné quinze ans à la Duke University en Caroline du Nord, aux Etats-Unis. D’un continent à l’autre, il s’impose comme un observateur privilégié du mouvement de colère mondialisée provoqué par la mort de George Floyd (1).

Comment expliquez-vous l’ampleur de cette mobilisation planétaire ?

Est-ce à cause de la vidéo ? Des vidéos sur les bavures policières, il y en a eu avant, sans qu’elles produisent le même effet de colère planétaire. J’y vois plutôt trois raisons. Tout d’abord, cette exécution, car c’est de ça qu’il s’agit, a coïncidé avec une pandémie, le Covid-19, dont le propre est de s’attaquer aux fonctions respiratoires. On a donc un meurtre public dans un contexte où une maladie respiratoire mortelle frappe la planète. Et alors qu’aux Etats-Unis, elle touche plus particulièrement la communauté afro-américaine.

En second lieu, il y a le sentiment croissant partout dans le monde que le sort longtemps réservé aux Noirs aux Etats-Unis est désormais partagé par d’autres. Il n’y a qu’à voir en France la façon dont la police a agi lors des manifestations contre les gilets jaunes ou la réforme des retraites : les éborgnements, les arrachages de mains, les gaz lacrymogènes. Là encore, d’ailleurs, on s’attaque aux fonctions corporelles les plus élémentaires, et notamment respiratoires. Enfin, cette mobilisation planétaire illustre, ou résulte, d’une crise de conf