A quoi ça sert ? Comment ça marche ? Pourquoi seulement maintenant ? Ces questions étaient sur toutes les lèvres ce lundi, alors que le Royaume-Uni a instauré une quatorzaine stricte pour toute personne arrivant sur son sol, quel que soit le moyen de transport utilisé. Tout nouvel arrivant, dans les ports, les gares ou les aéroports, est désormais obligé de remplir avant son arrivée un formulaire pour indiquer une adresse précise où il sera confiné pendant les deux prochaines semaines. Le non-respect de cette quatorzaine pourrait être puni par des amendes allant jusqu’à 1 000 livres sterling (1 122 euros).
Tout nouvel arrivant est encouragé à conduire son propre véhicule jusqu’à son lieu de confinement, mais rien n’est prévu pour contrôler cette recommandation. Un voyageur atterrissant à l’aéroport de Heathrow peut ainsi parfaitement prendre le métro sans être contrôlé. Une fois posé en quatorzaine, il n’est pas censé sortir, y compris pour acheter du ravitaillement.
Courbes d'infection en nette baisse
Quelques exceptions concernent notamment les transporteurs routiers et les personnels de santé. Les arrivées en provenance d'Irlande et des îles anglo-normandes sont aussi épargnées par cette quarantaine. Et pour les petits malins qui songeraient à contourner les règles en passant par l'Irlande par exemple, ça ne fonctionne pas. A moins de passer au moins quinze jours en transit en Irlande avant de traverser vers le Royaume-Uni. Le syndicat britannique des services d'immigration a déploré des «règles complexes» et un manque de préparation.
Depuis le début de la pandémie, le Royaume-Uni n'a jamais fermé ses frontières ni imposé de quatorzaine. Les courbes d'infection sont en nette baisse – lundi, pour la première fois depuis mars, les hôpitaux londoniens n'ont enregistré aucun décès en vingt-quatre heures – mais moins que dans le reste de l'Europe. «Il s'agit d'éviter une seconde vague de l'épidémie», a précisé la ministre britannique de l'Intérieur, Priti Patel, alors que le Royaume-Uni a enregistré lundi un bilan de 40 597 décès dus au Covid-19, le plus lourd bilan d'Europe et l'un des plus lourds au monde.
Le chef de l'opposition travailliste, Keir Starmer, a qualifié la mesure «d'instrument émoussé». «Il y a des semaines que les autres pays ont mis en place des quarantaines pendant que nous n'en avons pas imposé. Maintenant que tout le monde y met fin, nous nous y mettons», a-t-il dit.
Impossible à vérifier
L'industrie du voyage, et surtout les compagnies aériennes, ont réagi avec fureur à cette décision. Le patron de Ryanair a accusé le gouvernement de voulir faire un «coup de pub politique», alors qu'il sera impossible pour le ministère de l'Intérieur de vérifier correctement si la quatorzaine est appliquée. «Vous pourriez être au supermarché, à la plage ou en train de jouer au golf au moment improbable où le Home Office essaierait de vous contacter, tout ce qu'ils auront, c'est votre numéro de portable !» a-t-il fulminé sur la BBC.
Ryanair, British Airways et EasyJet ont annoncé envisager sérieusement de poursuivre en justice le gouvernement britannique pour contester cette mesure jugée absolument inutile et surtout bien trop tardive pour avoir la moindre efficacité. La semaine dernière, les compagnies aériennes et ferroviaires avaient été invitées à une réunion téléphonique avec le ministère de l'Intérieur. British Airways avait décliné l'invitation. Willie Walsh, le directeur général d'IAG, la compagnie-mère de British Airways, a jugé la mesure de quarantaine «irrationnelle et disproportionnée» et estimé qu'elle accentuerait encore l'impact économique désastreux du Covid-19 sur l'industrie aérienne.
La France avait prévenu qu'elle mettrait en place une mesure de réciprocité à compter du 8 juin. Toute personne arrivant du Royaume-Uni sera «priée» d'observer une quatorzaine volontaire sur le territoire français. Le gouvernement britannique a indiqué que le maintien de la quatorzaine serait revu toutes les trois semaines.