«Les Allemands boivent moins de bière, ils mangent moins de viande, et maintenant ils sont contre la prime à la casse. On nous les a vraiment changés !» plaisantait récemment une amie française. Sans vouloir réduire les Allemands à un triptyque bière-saucisse-voiture (quoique), la tendance est là, et les chiffres du rapport annuel sur l'alimentation, tout juste publié par le ministère fédéral de l'Agriculture, implacables : 26% des personnes interrogées affirment désormais manger quotidiennement de la viande ou de la saucisse. En 2015, c'était 34%. La tendance semble irréversible. «La viande est "out"», titre, impitoyable, le Tageschau, le JT allemand. A noter que les femmes mangent moins de viande au quotidien (20%) que les hommes (32%).
Les Allemands seraient-ils en train de dire progressivement Auf wiedersehen à leurs saucisses, véritable emblème national ? Car si les Français se vantent de leurs 300 et quelques fromages, qui en feraient selon la légende un pays ingouvernable, que dire des Allemands et de leurs 1 500 sortes de saucisses ? A moins que, comme le disait Bismarck, «moins les gens savent comment les saucisses et les lois sont faites, mieux ils dorment». La Wurst est si prégnante dans la vie des Allemands que pour dire «traitement de faveur», on dit : «Extrawurst».
Vraiment, comment ce pays, qui a inventé ce plat surréaliste qu'est le Mettigel (un hérisson en viande de porc crue assaisonné avec des olives pour faire les yeux, et des morceaux d'oignons pour faire les pics), peut-il se laisser aller à un tel désamour de la chose carnée ?
Neues Haustier bei Freunden hat nicht lange überlebt #mettigel pic.twitter.com/8Qhau3vV
— Jeanette (@lunaasvae) May 8, 2012
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Ces chiffres sont toutefois à relativiser. L’Allemagne reste, à l’échelle mondiale, une solide consommatrice de viande – 60 kilos par habitant en 2018. Mais la tendance est là. Et ce désamour s’explique par plusieurs raisons : d’abord, la préoccupation des Allemands pour le bien-être animal et l’environnement – 55% des personnes interrogées dans l’étude se disent flexitariennes. Autre exemple : la pratique du broyage des poussins mâles, si elle n’est pas encore officiellement prohibée, est très controversée – elle devrait être interdite si des méthodes de sexage se généralisent.
Et puis, le dynamisme du marché végétarien et végan offre de multiples possibilités. Et pas qu’à Berlin, même si la capitale est régulièrement pionnière sur le sujet (depuis un an, l’Université technique de Berlin dispose d’une cantine 100% végane). Dans les supermarchés de tout le pays, l’offre végane et végétarienne est pléthorique, et explore tous les classiques de la gastronomie locale, de la schnitzel veggie à la salade de cervelas au soja, en passant par le steak de burger sans viande.
Ultime signe de ce changement de paradigme : la chaîne de supermarchés Aldi, incessamment critiquée par les associations de défense des animaux pour casser les prix de la viande, abattue dans des conditions déplorables, vient d'être désignée «supermarché vegan-friendly de l'année» par l'association de défense des animaux Peta, pour la richesse de sa gamme végétalienne. Un paradoxe typiquement allemand ?