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Libération

En Allemagne, la saucisse prend cher

publié le 10 juin 2020 à 20h21

Chronique sur la vie, la vraie, vue d’Allemagne. Ce voisin qu’on croit connaître mais qu’on comprend si mal. Au menu de cette semaine, la désaffection croissante des Allemands pour l’un de leurs aliments fétiches, avec la pomme de terre et la bière : la viande.

«Les Allemands boivent moins de bière, ils mangent moins de viande, et maintenant ils sont contre la prime à la casse. On nous les a vraiment changés !» plaisantait récemment une amie française. Sans vouloir réduire les Allemands à un triptyque bière-saucisse-voiture (quoique), la tendance est là, et les chiffres du rapport annuel sur l'alimentation, tout juste publié par le ministère fédéral de l'Agriculture, implacables : 26 % des personnes interrogées affirment manger quotidiennement de la viande ou de la saucisse, contre 34 % en 2015. La tendance semble irréversible. «La viande est "out"», titre, impitoyable, le Tageschau, le JT allemand.

Les Allemands seraient-ils en train de dire progressivement Auf wiedersehen à leurs saucisses, véritable emblème national ? Car si les Français se vantent de leurs 300 et quelque fromages, que dire des Allemands et de leurs 1 500 sortes de saucisses ? Dont Bismarck disait : «Moins les gens savent comment les saucisses et les lois sont faites, mieux ils dorment.» La Wurst est si prégnante dans la vie des Allemands que, pour dire «traitement de faveur», on dit «Extrawurst». Comment ce pays, qui a inventé le surréaliste Mettigel (un hérisson en viande de porc crue assaisonné avec des olives pour faire les yeux, et des morceaux d'oignons pour faire les pics), peut-il se laisser aller à un tel désamour de la chose carnée ?

Ces chiffres sont toutefois à relativiser. L’Allemagne reste, à l’échelle mondiale, une solide consommatrice de viande - 60 kilos par habitant en 2018. Mais la tendance est là. Et s’explique par plusieurs raisons : d’abord, la préoccupation des Allemands pour le bien-être animal et l’environnement - 55 % des personnes interrogées dans l’étude se disent flexitariennes.

Et puis le dynamisme du marché végétarien et végan offre de multiples possibilités. Et pas qu’à Berlin, même si la capitale est régulièrement pionnière sur le sujet. Dans les supermarchés, l’offre végane et végétarienne est pléthorique et explore tous les classiques de la gastronomie locale, de la schnitzel veggie à la salade de cervelas au soja en passant par le steak de burger sans viande.

Ultime signe de ce changement de paradigme : la chaîne de supermarchés Aldi, incessamment critiquée par les associations de défense des animaux pour casser les prix de la viande, avec des abattages dans des conditions déplorables, vient d’être désignée «supermarché végan-friendly de l’année» par l’association de défense des animaux Peta, pour la richesse de sa gamme végétalienne. Un paradoxe typiquement allemand ?