Tous les six mois depuis juillet 1997, le ministre britannique des Affaires étrangères en place présente au Parlement de Westminster un rapport sur la Déclaration conjointe sino-britannique sur la question de Hongkong de 1984. Ce traité international signait la rétrocession de Hongkong à la Chine le 1er juillet 1997. Il inscrivait aussi noir sur blanc le principe d'«un pays, deux systèmes». La Chine s'engageait à ne pas imposer son régime communiste sur l'ancienne colonie britannique jusqu'en 2047.
«Responsabilités»
Jeudi, Dominic Raab a publié le 46e rapport semestriel, agrémenté d'une introduction en forme d'avertissement à la Chine. «Le cadre "un pays, deux systèmes" et les droits et libertés inscrits dans la Déclaration conjointe sont essentiels à la stabilité et aux succès futurs de Hongkong, a-t-il rappelé. Le Royaume-Uni ne se détournera pas lorsqu'il s'agit des Hongkongais, nous nous tiendrons à leurs côtés et nous serons à la hauteur de nos responsabilités.»
Le ministre se référait à la récente loi antisubversion à Hongkong qui faciliterait les poursuites contre les mouvements prodémocratie. Londres a condamné vertement et à plusieurs reprises cette décision. Et proposé de modifier les conditions d'attribution du British National Overseas (BNO). Hérité de la rétrocession, ce passeport, disponible pour tout Hongkongais né avant 1997, permet de venir séjourner sans visa pour six mois au Royaume-Uni. Le Premier ministre, Boris Johnson, a proposé d'allonger à un an le séjour pour étudier ou travailler et a suggéré qu'il puisse ouvrir la voie à la citoyenneté. En tout, 3 millions de Hongkongais pourraient y prétendre. En ce qui concerne leurs enfants, le ministère de l'Intérieur précise à Libération que les «modalités exactes sont encore en cours d'examen».
«Cela représenterait l'un des plus grands changements de notre système de visas dans l'histoire. Si cela s'avère nécessaire, le gouvernement britannique est prêt à prendre cette mesure», a écrit Johnson dans une tribune dans le Times le 2 juin. Son offre, ouvrant la porte à un afflux important de cerveaux et migrants de l'ancienne colonie, ne manque pas de sel. Au même moment, sa ministre de l'Intérieur, Priti Patel, travaille sur un projet de réforme de la loi sur l'immigration post-Brexit, selon un système à points, pour limiter l'entrée des étrangers. Rien ne dit, du reste, que les Hongkongais se précipiteront au Royaume-Uni, empêtré dans son Brexit et aux prises avec le coronavirus aux graves conséquences sanitaires et économiques.
Allié
Jeudi, le très loquace ambassadeur chinois à Londres, Liu Xiaoming, a appelé le monde des affaires britanniques à examiner la loi sur la sécurité avec un regard «objectif et raisonnable», en dépit des «déclarations irresponsables de certains politiciens britanniques». «Un Hongkong stable et prospère est dans l'intérêt à la fois de la Chine et du Royaume-Uni», a-t-il argumenté. On est bien loin du tapis rouge et de la pompe déployés en 2015 pour la première visite d'Etat au Royaume-Uni du président Xi Jinping à l'invitation de la reine Elizabeth II, sur proposition du Premier ministre David Cameron. A l'époque, le ministre des Finances George Osborne souhaitait que le Royaume-Uni devienne le «meilleur allié occidental» de Pékin.
Depuis, les relations se sont refroidies et la méfiance s'est installée, comme l'a montré la vive polémique autour de la participation de Huawei au réseau 5G, finalement très limitée. Un groupe de parlementaires tories influents, mené par Tom Tugendhat, président du comité parlementaire sur les affaires étrangères, multiplie les mises en garde contre l'influence chinoise. «De l'Australie à la Zambie, les officiels chinois et leurs sociétés utilisent tous les leviers possibles pour prendre le contrôle», a-t-il récemment écrit sur le site Conservative Home. Il a aussi appelé à une réaction plus forte et internationale que l'offre élargie de passeports BNO. «Pékin essaie de créer une dépendance et une obéissance, au cœur du système mondial, pour remplacer le réseau de traités et lois qui ont permis une compétition et des échanges commerciaux pacifiques depuis des décennies.»
Les autorités chinoises jugent que les annonces britanniques sont teintées de relents post-colonialistes. Le Royaume-Uni affiche sans complexe son sentiment de responsabilité historique et morale vis-à-vis des Hongkongais. Mais en réalité, la réaction britannique, et en particulier celle du Parti conservateur, est peut-être plutôt liée à une forme de culpabilité. Celle d’avoir, lors de l’accord de 1984 signé par Margaret Thatcher, livré les citoyens de Hongkong à la Chine communiste.