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Au Malawi, Lazarus Chakwera croit en sa résurrection politique

Annulée par la Cour suprême, l'élection présidentielle est rejouée ce mardi. Cette fois, le leader de l'opposition, arrivé en seconde position l'an dernier, est donné favori.
Lazarus Chakwera en campagne samedi à Mtandire, non loin de la capitale malawite, Lilongwe. (AMOS GUMULIRA/Photo Amos Gumulira. AFP)
publié le 23 juin 2020 à 6h25

Tout est à refaire. Près de 7 millions de Malawites sont appelés aux urnes ce mardi pour désigner leur Président, après que la Cour suprême a annulé «l’élection Tipp-ex» de l’an dernier, ainsi que la presse locale l’a surnommée, marquée par des irrégularités «graves» et «généralisées». Or le perdant d’hier pourrait bien être le vainqueur de demain. En obtenant devant la justice l’effacement du scrutin de mai 2019, Lazarus Chakwera, 65 ans, a fait la moitié du chemin qui le sépare du fauteuil de chef de l’Etat.

Entre-temps, la donne a changé. Avec cette décision historique, les juges ont non seulement rayé les précédents résultats (38,6% des voix pour le Président sortant Peter Mutharika, 35,4% pour Lazarus Chakwera, 20,2% pour l'ex-Vice-Président Saulos Chilima), ils ont aussi poussé à la démission la présidente de la Commission électorale, Jane Ansah, et même modifié les règles du jeu : le gagnant du scrutin devra désormais obtenir la majorité absolue (soit plus de 50% des suffrages exprimés) et non plus une majorité relative. Ouvrant donc la possibilité d'un second tour de scrutin si aucun des candidats ne franchit la barre ce mardi.

Renverser la tendance

«Cette fois, nous avons l'espoir que l'élection sera traitée avec l'intégrité qu'elle mérite, a indiqué Lazarus Chakwera. L'indépendance de la justice a imposé une obligation de crédibilité aux élections africaines, c'est une leçon adressée au monde entier.» Le leader du Parti du Congrès du Malawi (MCP) sait qu'il peut renverser la tendance. Dans l'adversité, il s'est rapproché de Saulos Chilima, 47 ans, arrivé en troisième position. Les deux candidats malheureux ont bataillé ensemble devant les tribunaux, avant de forger une alliance électorale qui propulse Chakwera au rang de favori, selon les observateurs.

L’ancien pasteur évangélique, qui fut président de la Congrégation des assemblées de Dieu du Malawi pendant un quart de siècle, pourrait ainsi devenir l’homme du retour du MCP au pouvoir. L’ancien parti unique de Hastings Banda, père de l’indépendance devenu dictateur, n’a jamais remporté une élection depuis l’avènement du multipartisme, en 1994. Pour son entrée en politique, en 2013, Lazarus Chakwera avait triomphalement raflé l’investiture du MCP, à la surprise générale, avant de s’incliner face à Peter Mutharika l’année suivante.

Chanteur de gospel

Les électeurs de moins de 40 ans n'ont pas connu le règne autoritaire de Hastings Banda. Le MCP, pour eux, est un parti d'opposition, synonyme d'alternance. D'autant que Chakwera n'était pas lié politiquement à l'ancien régime. L'homme de Dieu à la carrure imposante est diplômé de philosophie et de théologie. Calme, sa voix grave de chanteur de gospel rassure. Son programme, tout aussi vague que celui de ses concurrents, se résume à une idée : le changement. «Le peuple nous considère comme le visage d'un nouveau Malawi dont la construction serait ouverte à tous», répète-t-il.

Il tient peut-être sa revanche. Mais quel que soit le vainqueur, si le scrutin se déroule enfin de manière consensuelle, il pourrait refermer cette séquence politique électrique qui paralyse le Malawi depuis plus d’un an et constituer un modèle de règlement démocratique d’une crise électorale. S’il déraille à nouveau, en revanche, il est à craindre que l’un des deux camps, épuisés, cherche cette fois à obtenir gain de cause dans la rue. Dans quelques heures, le petit pays agricole d’Afrique australe, l’un des plus pauvres du monde, devrait être fixé sur son sort.