Les mots sont insoutenables. Le ton est monotone, mais les phrases se précipitent, rapides, heurtées, presque avalées à certains moments. «Je l'ai dans ma tête, l'idée de tuer quelqu'un et je sais que si je le fais, j'irai en prison.» C'était à l'automne 2018 et Jonty Bravery, qui avait alors 17 ans, parlait à un membre des services sociaux qui l'enregistrait. «Je vous dis juste ce que j'ai dans ma tête», ajoute-t-il. Tout était là, l'idée d'aller visiter un lieu touristique de Londres, «n'importe lequel, peut-être le Shard [la plus haute tour de Londres, ndlr], n'importe pourvu que ce soit en hauteur» et l'idée de tuer, «[…] et puis pousser quelqu'un, je sais qu'en tombant de 30 mètres, il mourra forcément».
Le 4 août 2019, il passait à l’acte et poussait un petit Français de 6 ans du haut du musée d’art contemporain Tate Modern, en plein cœur de Londres. Mais l’enfant a survécu. Grièvement blessé, il reste aujourd’hui hospitalisé en France où ses parents se relaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre à son chevet depuis bientôt un an. Il ne peut toujours pas marcher et devra recevoir des soins constants jusqu’à au moins 2022.
«Au-delà de l’imagination»
Jonty Bravery a été condamné vendredi à un minimum de quinze ans de prison pour tentative de meurtre. Il avait plaidé coupable et l'enregistrement avait été diffusé pendant son procès en février dernier. «Vous aviez l'intention de tuer et avez presque tué ce petit garçon de 6 ans», a déclaré la juge Maura McGowan, au moment de délivrer le verdict au tribunal londonien Old Bailey. «Ce petit garçon a souffert des blessures permanentes qui vont affecter le reste de sa vie», a-t-elle ajouté. «La peur qu'il a dû ressentir et l'horreur que ses parents ont vécue sont au-delà de l'imagination. Ce que vous avez fait prouve que vous représentez un sérieux danger pour le public», a-t-elle dit avant de prononcer la peine d'un minimum de quinze ans de prison, ce qui signifie qu'une libération éventuelle ne pourra être considérée qu'après ce délai. «Vous passerez la plus grande partie, si ce n'est l'ensemble, de votre vie en prison […], il est possible que vous ne soyez jamais libérés», a ajouté la juge.
Ce 4 août 2019, Jonty Bravery, diagnostiqué souffrant d'autisme et qui était alors sous la responsabilité des services sociaux du quartier de Hammersmith and Fulham, à l'ouest de Londres, se rendait à la Tate Modern, sur la rive sud de la Tamise. Il grimpait au dixième étage de la récente extension qui permet une vue panoramique et ouverte de tout Londres. Après avoir passé quinze minutes sur la plate-forme, il repérait ce petit garçon de 6 ans, en visite touristique avec ses parents dans la capitale britannique. En quelques secondes, il soulevait l'enfant et le précipitait dans le vide au-dessus du balcon. Le petit garçon s'était écrasé cinq étages plus bas, la tête la première, sur une sorte de balcon intermédiaire. Immédiatement maîtrisé, Jonty Bravery avait souri et demandé : «Est-ce que je vais passer à la télé ?»
Troubles de la personnalité
La juge a estimé que le diagnostic d'autisme «n'expliquait pas ce geste». Jonty Bravery vivait dans un logement spécialisé géré par le conseil municipal et avait déjà fait preuve de violence précédemment, a-t-on appris au cours du procès. Il était pourtant autorisé à quitter régulièrement le centre, sans aucune supervision. Un psychiatre entendu pendant le procès avait précisé qu'il souffrait de troubles de la personnalité.
Les parents de l'enfant n'étaient pas présents au tribunal. «Les mots ne peuvent exprimer l'horreur et la peur que ses actions ont suscitées sur nous ou notre fils qui, six mois plus tard, se demande pourquoi il est à l'hôpital», ont-ils dit dans un communiqué lu par une avocate. Avant de demander : «Comment pourrait-il ne pas voir chaque personne inconnue comme un potentiel "méchant" qui pourrait lui infliger une peine et une souffrance immenses ?»
L'horreur de cette tentative de meurtre avait bouleversé le Royaume-Uni. Une cagnotte pour aider les parents a été organisée par une Britannique.