Pour Paolo Gentiloni, commissaire aux Affaires économiques et monétaires, ex-président du Conseil italien et membre fondateur du Parti démocrate (gauche), l’Union a pris un clair virage à gauche à la faveur de la crise du coronavirus.
Auriez-vous imaginé il y a trois mois que l’UE jetterait par-dessus bord toutes ses vaches sacrées, de la rigueur budgétaire au refus de la mutualisation des dettes en passant par les règles de concurrence ou son refus de toute politique industrielle ?
Non, c'était totalement inimaginable avant la crise du coronavirus. Nous avons vécu dix semaines, de la mi-mars à fin mai, qui ont profondément changé l'UE. C'est d'autant plus surprenant que ce changement de paradigme, certes favorisé par ce choc sans précédent, n'était nullement automatique. D'ailleurs, chaque décision prise a nécessité de longues discussions dont l'issue était tout sauf certaine. C'est le cas de la plus évidente, la suspension du Pacte de stabilité budgétaire, comme de la plus difficile, à savoir le fonds de relance de 750 milliards d'euros alimenté par des emprunts communs - une idée que j'avais promue début avril avec Thierry Breton [commissaire français, chargé du Marché intérieur, ndlr].
Pourquoi ?
Parce que le logiciel européen a été mis en place lors de la crise de la zone euro en 2010-2012. Toutes les réponses, comme le Mécanisme européen de stabilité, que nous avions alors élaborées étaient intergouvernementales, c’est-à-dire reposant sur le consensus des Etats, et non commun