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Interview

Liban : «Ils se sont gavés, et c’est nous, le peuple, qui payons le prix de leur voracité»

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L’écrivaine libanaise Hala Moughanie dénonce l’incurie de la classe politique du pays, qui s’appuie sur le système confessionnel pour conserver ses avantages.
Une femme fuit les gaz lacrymogènes le 6 juin. (Photo Myriam Boulos)
publié le 10 juillet 2020 à 20h16

Le Liban est dans la tourmente, ravagé par une crise économique qui devient humanitaire. «L'Etat est mort», constate l'écrivaine libanaise Hala Moughanie, qui appartient à un nouveau mouvement politique, Citoyens et Citoyennes dans un Etat.

Un peu partout au Liban, les rideaux de fer des magasins sont toujours plus nombreux à rester baissés, signe de faillites en cascades, le tout sur fond de paupérisation galopante. Où en est-on aujourd’hui ?

La crise économique et financière est foudroyante. La devise locale, la livre, a perdu 80 % de sa valeur en neuf mois. L’inflation est incontrôlable, parce qu’une grande partie de notre économie est fondée sur l’importation mais aussi parce que beaucoup profitent de la situation pour s’enrichir. Le quotidien est devenu brutal. Par désespoir, trois hommes se sont donné la mort la semaine dernière. Les scènes de pauvreté extrême se multiplient : on troque ses vêtements contre de la nourriture, on déscolarise ses enfants, on braque des pharmacies pour du lait infantile et la viande ne fait plus partie des repas.

Un chaos général dans lequel on voit des fonctionnaires démissionner. Pourquoi ?

Certains fonctionnaires intègres se sont dissociés du pouvoir qu’ils considèrent comme ayant perdu sa légitimité. De manière générale, les décisions qui devraient réguler la vie dans ce pays ne sont plus prises par des institutions publiques mais par le secteur bancaire - qui a mis la main sur les dépôts des Libanais -, les associations patronales ou les commerçants. Les importateurs de produits de première nécessité rationnent la farine ou le fuel, les changeurs i