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Libération

Covid-19 : à Tokyo, les limites du «modèle japonais»

par Karyn Nishimura, (à Tokyo)
publié le 15 juillet 2020 à 19h56

«Alerte : le virus se propage» : Tokyo a augmenté ce mercredi la gravité de l'étendue épidémique au niveau le plus élevé sur une échelle de quatre. Après avoir considéré le risque concentré chez les jeunes adultes des quartiers chauds de Shinjuku et Ikebukuro, la municipalité constate désormais une extension géographique, avec des cas dans les crèches ou les écoles. En moyenne, sur la semaine passée, plus de 170 contaminations ont été recensées quotidiennement dans la mégapole de 14 millions d'habitants. «Il y a certes des différences de répartition par tranches d'âge par rapport à la première vague de fin mars et début avril mais si cela continue ainsi, les personnes âgées aussi vont être affectées», estime un infectiologue qui conseille les autorités de Tokyo. La gouverneure de la ville, Yuriko Koike, tout juste réélue, a demandé ce mercredi aux habitants «d'éviter les restaurants et lieux de vie nocturne qui ne respectent pas les protocoles sanitaires», ajoutant : «Il faut s'abstenir d'effectuer des déplacements non indispensables, non urgents en dehors de la préfecture de Tokyo.»

Le «modèle japonais» vanté par le Premier ministre, Shinzo Abe - port du masque et respect des gestes barrières sans sanctions - montre ses limites. Mais, alors qu'il avait fermé les écoles dès mars et déclaré l'état d'urgence jusqu'à fin mai, l'exécutif est réticent à l'idée de recommencer. C'est que l'administration Abe est tout affairée à la réussite d'une campagne de subvention des séjours touristiques à l'intérieur de l'archipel pour soutenir les hôtels, restaurants et lieux de loisirs sinistrés.

L'offensive de 1 700 milliards de yens (14 milliards d'euros), d'abord prévue en août, a été avancée au 22 juillet. L'opposition ainsi que des personnalités influentes jugent la décision irresponsable. Pour l'économiste Daigo Tanaka, «le moment est mauvais mais le secteur du tourisme est réellement en danger. Je pense qu'il faudrait limiter cette campagne aux personnes qui vivent en dehors de Tokyo et sa banlieue, et n'accorder des subventions que pour les séjours hors de cette zone». Reste que l'augmentation des cas, observée également dans la région d'Osaka, plaide pour une remise en cause de cette campagne, pourtant pièce maîtresse du plan de soutien économique du gouvernement.