Ils étaient au départ sept candidats, il n'en reste que cinq sur la liste des prétendants à la présidentielle. Deux noms ont été recalés, et non des moindres : Viktor Babariko et Valery Tsepkalo n'ont pas été retenus par le Comité central des élections pour participer au scrutin présidentiel biélorusse prévu le 9 août. Bénéficiant d'un fort soutien populaire – toutefois inquantifiable en raison de l'absence d'instituts de sondage indépendants – les deux candidats étaient pressentis comme des rivaux de poids au président actuel, Alexandre Loukachenko, qui dirige le pays d'une main de fer depuis un quart de siècle.
Décisions arbitraires
Le 18 juin, Babariko, ancien dirigeant de la filiale biélorusse de Gazprombank, s'apprêtait à déposer son dossier de candidat à l'élection. Mais, accusé de «blanchiment d'argent» et de «participation à un groupe délinquant», il a été arrêté sur le chemin du dépôt de candidature. Une pseudo-accusation qui a motivé le refus du comité. Valentin Stefanovich, vice-président du centre des droits de l'homme «Viasna», précise que «ces allégations n'ont fait l'objet d'aucune enquête judiciaire. La décision a été prise uniquement sur la base d'une lettre adressée au Comité central des élections».
Le second prétendant phare de l'opposition, Valery Tsepkalo, a également été écarté de la course pour des raisons douteuses. D'après le Comité central, cet ex-ambassadeur de Biélorussie aux Etats-Unis n'aurait pas réuni les 100 000 signatures nécessaires à la validation de sa candidature. Face à cet argument, Valentin Stefanovich reste sceptique et constate l'absence d'une procédure transparente de décompte des signatures.
Colère dans les rues
La décision du Comité a provoqué la colère d'une partie des Biélorusses. Dès mardi soir, des appels à manifester se sont multipliés sur les réseaux sociaux. Des centaines de protestataires se sont retrouvées dans les rues de Minsk. Très vite, des applaudissements de riverains et autres coups de klaxon ont été réduits au silence par une intervention musclée des forces de l'ordre, donnant lieu à plus de 200 arrestations. Parmi ces dernières figurent plusieurs journalistes de médias indépendants.
Dans la matinée de mercredi, une longue file d'attente s'est formée au pied d'un des bâtiments d'Etat de la capitale. Des dizaines de Biélorusses s'y sont retrouvés pour déposer une plainte contre le Comité et exiger l'approbation de la candidature de Babariko. Car s'il disqualifie deux candidats clés, ce revers ne marque pas la fin de la bataille. «La décision va faire l'objet d'un appel, qui va être déposé d'ici trois jours, explique Stefanovich. La Cour suprême biélorusse devra alors se prononcer, et des nouvelles informations sont à attendre en fin de semaine.»
Perspectives incertaines
A ce jour, il ne semble pas exister de stratégie coordonnée parmi les opposants. Dans une interview à la radio d'opposition russe Echo de Moscou, Tsepkalo a déclaré qu'il soutiendrait la candidate Svetlana Tikhonovskaïa, épouse du blogueur dissident Sergueï Tikhonovski, emprisonné par les autorités. D'autres membres de l'opposition appellent, eux, à un boycott total de l'élection.
Selon Valentin Stefanovich, le caractère unique de cette élection tient du fait que les rivaux de Loukachenko ne sont pas des personnalités politiques connues, et que l'opposition traditionnelle est absente de cette campagne. Une analyse confirmée par Viktor Babariko, qui a estimé que «cette campagne diffère radicalement des précédentes, car les démonstrations de force à l'égard des opposants interviennent généralement à la fin de l'élection».
L'éventuelle absence de Babariko et Tsepkalo lors du scrutin du 9 août vient s'ajouter à d'autres motifs d'indignation populaire, parmi lesquelles la dépendance du pays vis-à-vis du grand voisin russe. Ou encore la négligence de Loukachenko dans sa gestion de la crise du coronavirus. Valentin Stefanovich y ajouter un autre sujet d'inquiétude : «L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a décidé de ne pas envoyer ses observateurs à l'élection présidentielle. La raison ? Elle n'a pas reçu d'invitation officielle du ministère des Affaires étrangères biélorusse.»