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Récit

Europe : la dette sur les épaules

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Après quatre jours d’un sommet européen très tendu, les Vingt-Sept sont parvenus à un accord historique, mardi, validant un emprunt de 750 milliards d’euros et créant de facto une forme de «fédéralisation». Mais prudence, car le plan de relance n’est que temporaire, comme le martèle Berlin.
Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, le président du Conseil européen Charles Michel, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président français Emmanuel Macron, ce mardi à Bruxelles. (Photo Stephanie Lecocq. AP)
par Jean Quatremer, Correspondant à Bruxelles
publié le 21 juillet 2020 à 20h51

Le 21 juillet 2020 restera-t-il dans l'histoire comme le «moment hamiltonien» de l'UE, celui qui va inéluctablement la faire basculer du confédéralisme mou actuel vers une fédération à l'américaine ? Le parallèle historique est frappant : en 1790, Alexander Hamilton, le premier secrétaire au Trésor des tout jeunes Etats-Unis, arrache au Congrès l'autorisation de créer une dette fédérale et de se porter garant de celles des Etats fédérés au bord de la faillite, ce qui a jeté les bases de la future puissance américaine en lui donnant des griffes. Deux cent trente ans plus tard, le même scénario semble se répéter, sur le Vieux Continent cette fois : l'autorisation donnée à la Commission de lancer un emprunt de 750 milliards d'euros n'est, en effet, rien d'autre que la création d'une dette «fédérale», une révolution, un moment «historique» selon Macron. «C'est le moment le plus important de l'Europe depuis la création de l'euro», a-t-il plaidé au JT de TF1, mardi.

«Aussi longtemps que je vivrai»

Pourtant, l'histoire est encore loin d'être écrite. Certes, le chemin parcouru est immense. En mars, la simple évocation de lancer des «coronabonds», c'est-à-dire des emprunts européens destinés à aider financièrement les pays les plus touchés par les conséquences de la pandémie de Covid-19, suscitait encore des hurlements des pays du Nord, en Allemagne en particulier. Une doctrine allemande aussi ancienne que la monnaie unique et répétée par la chancelière Merkel lors de la crise de