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Chine

Ouïghours, le travail à marque forcée

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La répression des Ouïghours en Chinedossier
Le programme de «rééducation» de cette minorité persécutée permet au régime chinois d’exploiter les ressources du Xinjiang avec une main-d’œuvre contrainte. Des dizaines de multinationales sont impliquées dans cette pratique, dénoncée dans un appel par 180 ONG.
Vue sur un camp de «formation» de Ouïghours à Dabancheng, dans la province du Xinjiang, le 4 septembre 2018. (Photo Thomas Peter. Reuters)
publié le 26 juillet 2020 à 19h01

«Je suis à l’usine. Vous savez, l’usine… J’ai le droit de rentrer chez moi toutes les deux semaines, mais avec le virus, je ne suis pas rentré depuis quarante jours.» Quand Alim (1) passe un appel vidéo en mars à son amie Guli (1), une Ouïghoure qui vit en France, il n’en dit pas plus. Après sa licence d’informatique à Paris, il est rentré travailler au Xinjiang, la région de Chine dont il est originaire. Guide dans une agence de voyages, il accompagnait des groupes en Europe. Après son dernier passage à Paris en 2016, il a été envoyé en «rééducation» dans un «centre de formation professionnelle», et n’a pas pu voir son bébé naître.

«On savait qu'il était sorti après avoir passé plus de deux ans en camp, et on pensait qu'il était rentré chez lui, explique Guli. On avait entendu parler de travail forcé, mais on ne pensait pas que ça pourrait arriver à nos amis. Il a mentionné un copain de mon mari, "qui travaille dans une autre usine". J'étais au bord des larmes. Il avait beaucoup maigri. Je n'ai pas osé lui demander pour quelle marque il travaillait. J'avais très peur qu'il soit arrêté pour avoir téléphoné à l'étranger.» Comme son colocataire Farouk, diplômé en commerce international d'une université parisienne, récemment condamné à huit ans de prison à Urumqi, la capitale du Xinjiang.

«Devenir des robots»

Ces derniers mois, plusieurs enquêtes publiées en Occident ont mis au jour le recours massif au travail forcé dans