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Au rapport

Selon un nouveau rapport, l’éolien en mer est en plein essor

Dans un rapport dévoilé ce mercredi, le Global Wind Energy Council table sur une croissance inédite de l’éolien offshore, atteignant plus de 230 GW d’ici à 2030, à l’heure où le secteur énergétique peine à se relever du choc du Covid-19.
Des éoliennes offshore au large des côtes de Virginia Beach, en Virginie, le lundi 29 juin. (Photo Steve Helber. AP)
publié le 6 août 2020 à 18h34

«La meilleure année de l'histoire.» C'est par ce superlatif flatteur que l'association promouvant l'énergie éolienne Global Wind Energy Council (Gwec) décrit l'année 2019 pour la filière de l'éolien en mer, dans un rapport publié mercredi. Et 2020 semble suivre la même tendance. Tandis que l'investissement global en énergie subit un déclin de 20% comparé à 2019, comme le rapporte l'Agence internationale de l'énergie, l'éolien offshore se prévaut de sa résilience face au Covid-19. Selon Feng Zhao, directeur de la stratégie du Gwec, «la chaîne d'approvisionnement de l'éolien offshore a été peu affectée par la crise».

Et au-delà de ce succès de court terme, le rapport promet un bel avenir à la filière de l'éolien offshore, devenue le fer de lance de la transition énergétique et de la relance post-Covid. Sa capacité est censée passer de 29 GW fin 2019 à 234 GW d'ici à 2030. «Cela équivaudra à assurer environ 30% de la consommation européenne actuelle», calcule Jean-Christophe Chomette, consultant indépendant en fermes éoliennes. Plus productives et mieux acceptées que leurs sœurs terrestres, ces éoliennes situées en haute mer présentent plusieurs atouts. «La force du vent, plus importante dans les zones marines, permet de générer jusqu'à deux fois plus d'électricité par an», estime Jean-Christophe Chomette. Et en période hivernale, l'intensité plus forte du vent coïncide justement avec l'augmentation de la demande en énergie.

Coûts décroissants

Depuis la construction de l'éolienne pionnière de l'offshore à Vindeby (Danemark) en 1991, la filière s'est métamorphosée. Séduisant de plus en plus de pays, elle prétend désormais rivaliser avec les hydrocarbures, traditionnellement moins chers. A tel point que des firmes pétrolières telles que Shell et Total regardent le secteur avec convoitise et y voient une opportunité d'investissement. D'autant plus que la filière pourrait créer plus de 900 000 emplois d'ici à 2024 au niveau mondial, toujours selon le rapport du Gwec.

La clé de cette progression spectaculaire ? «Une chute continue des coûts d'installation et d'entretien depuis dix ans», selon Jean-Christophe Chomette. Ces derniers sont compensés par l'amélioration de la technologie des turbines et par d'importants plans de soutien. «En 2012, lorsque j'ai débuté dans le marché de l'éolien offshore, les turbines avaient une capacité de 5 MW», se souvient le consultant, avant d'ajouter : «Aujourd'hui, on trouve des turbines de 12 MW, ce qui engendre des économies d'échelle car elles génèrent davantage d'énergie.»

Progression asiatique

D'ici à 2024, le rapport prévoit une augmentation de 18% du parc éolien offshore mondial. Cette croissance est drainée par l'Asie-Pacifique, avec, sans surprise, la Chine en tête de file pour les nouvelles installations. Si le pays affiche pour l'instant une capacité inférieure à l'Europe, il a récemment adopté un rythme exponentiel de construction d'éoliennes. Avec plusieurs chantiers lancés, et cumulant 6,8 GW d'éolien offshore au total, Pékin s'est déjà hissé au troisième rang mondial en termes de capacité installée. Les subventions octroyées par le gouvernement chinois sont à la hauteur de ses ambitions : elles avoisinent, selon Feng Zhao, près de cent milliards de yuans (12 milliards d'euros) pour l'ensemble de l'énergie renouvelable. Et fort de son succès, Pékin entend même abandonner ses subventions d'ici à 2022.

Autre innovation saluée dans le rapport : les éoliennes flottantes. Avec une commercialisation attendue à la fin de la décennie, cette technologie encore balbutiante est surtout amenée à se développer au large de l'Asie. «Contrairement à l'Europe, où le sol marin est facile à travailler pour poser les fondations, la Chine a des mers très profondes. La construction d'éoliennes flottantes s'y impose, contrairement aux éoliennes dites "posées" en Europe», explique Jean-Christophe Chomette.

Nuances

Malgré ces atouts et l'optimisme affiché par le Gwec, la filière de l'éolien en mer n'est pas exempte de critiques. Si le Danemark vise des projets à «zéro subventions», la compétitivité des éoliennes a longtemps été tributaire de la générosité des gouvernements. Elle s'appuie toujours sur les primes de marchés et tarifs préférentiels à l'achat, garantis par l'Etat. L'Allemagne, le Japon et les Pays-Bas utilisent fréquemment ces mécanismes pour stimuler l'intérêt des investisseurs.

Côté plus technique, la maintenance et la connexion au réseau sont rendues plus complexes par les difficultés d'accès aux installations en mer. La protection des fonds marins figure, quant à elle, sur la liste des reproches portés par certains groupes environnementaux contre l'éolien en mer : parmi les espèces menacées, les baleines dans l'Atlantique Nord. La collision des oiseaux migrateurs avec les turbines, qui ne doivent pas se situer sur les routes migratoires, est un autre sujet de réflexion pour la filière prometteuse.