C’est la mort du prophète désarmé, du réprouvé de la révolution, du dissident emblématique. Le 21 août 1940, tandis que l’Europe de l’Ouest est submergée par la Wehrmacht, que les pilotes britanniques luttent au-dessus de la Manche pour la survie de leur île, que les troupes nazies entament l’occupation de l’Europe pour quatre ans, Léon Trotski succombe à ses blessures. La veille, il a été mortellement frappé dans sa résidence ultra protégée de Coyoacán, faubourg de Mexico. L’événement semble lointain, détaché de la guerre, lié aux soubresauts internes du régime soviétique. En fait, il est la pointe extrême d’une vaste opération répressive entamée dans les années 30, dont les répercussions sur le conflit mondial ont été dramatiques. La vindicte paranoïaque de Staline, qui a fini par éliminer le fondateur de l’Armée rouge, a surtout causé l’affaiblissement décisif de l’URSS. Cette sanglante épuration la laisse, en cette première année de guerre, comme une proie offerte au prédateur nazi.
L'assassinat de 1940 trouve ses racines six ans plus tôt, le 1er décembre 1934. Ce jour-là, Sergueï Kirov, le bolchevik le plus populaire au sein du Parti communiste, est tué dans un attentat. Profitant d'un instant d'inattention de sa garde personnelle, un jeune militant récemment exclu lui loge une balle dans la nuque alors qu'il se rend à son bureau de l'Institut Smolny à Leningrad. Au dernier congrès, Kirov a été élu à la direction en recueillant le plus grand nombre de voix, al