En 1940, comme le monde, le cinéma entre en guerre. Aux batailles terrestres et aériennes, furieuses et sanglantes, correspondent les batailles sur pellicule, tout aussi violentes sous les atours chatoyants de l’esthétique et du divertissement. Dans chaque camp, comme on s’achemine vers un conflit total, on commence à mobiliser les acteurs, les scénaristes, les metteurs en scène. Avec une vigueur inégale : dans les démocraties, c’est l’initiative individuelle qui prévaut ; dans les dictatures, l’Etat, habitué à gouverner les esprits, se fait producteur et directeur. Ainsi naît le premier affrontement cinématographique de la guerre, entre deux films symboliques s’il en est, tous deux promis à un triomphe en salle. Mais l’un régnera sur la postérité, tandis que l’autre sera justement rejeté dans l’enfer de l’infamie.
Clichés antisémites
Le 15 octobre, Charlie Chaplin fait sortir aux Etats-Unis The Great Dictator - le Dictateur en français - qui reçoit un accueil mitigé avant de devenir, au fil des années de guerre, l'archétype du film antinazi et le plus grand succès commercial de Chaplin. Presque au même moment, en septembre, sous l'égide de Joseph Goebbels, la production allemande présente au festival de la Mostra, à Venise, le Juif Süss, modèle maléfique et d'un lourd classicisme formel du film antisémite.
En 1938, tandis que Hitler annexe l’Autriche, Charlie Chaplin, révulsé par les méthodes de la dictature nazie, commence l’écriture d’un scénario satirique qui se don