Il n'aura fallu que six semaines pour que «l'espoir change de camp, le combat change d'âme», pour paraphraser le célèbre poème de Victor Hugo. Après le sommet européen des 17-21 juillet actant un plan de relance de 750 milliards d'euros, tout semblait à nouveau sourire à une Union qui sortait enfin du cauchemar du confinement. Les Européens étaient unis, déterminés à relancer leur économie exsangue en accomplissant un saut fédéral inimaginable six mois auparavant, une dette communautaire était créée, les frontières intérieures rouvertes afin de relancer tourisme et transport, et la consommation repartait en flèche. Mais durant le mois d'août, la panique face à une possible «seconde vague» de coronavirus a gagné les gouvernements, menaçant tout l'édifice.
Gribouille
Tout est parti de Belgique : le pays qui accueille la capitale de l’UE s’est mis à fermer unilatéralement et sans préavis ses frontières région après région. Des décisions prises par son comité scientifique qui appliquait ses propres critères sans tenir compte de ceux du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Faute d’un exécutif doté d’une forte légitimité politique, les gouvernements en affaires courantes se succédant depuis décembre 2018, aucun ministre belge n’a eu le courage de s’opposer à ces décisions. Le résultat de cette politique de gribouille ne s’est pas fait attendre : plusieurs Etats ont décidé de mesures de rétorsions, surtout lorsqu’ils ont constaté que le petit royaume était lui-même confronté à une explosion de tests positifs, notamment à Anvers.
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Ensuite, tout s’est enchaîné : chacun s’est cru légitime pour juger que tel ou tel ville, région ou pays représentait un danger, ce qui a abouti à un cloisonnement confus de l’espace européen, des zones étant jugées «vertes» par un pays alors que son voisin sonnait le tocsin. Début septembre, la libre circulation intérieure n’est plus qu’un souvenir.
Epidémie de panique
Pire, les mesures de politique sanitaire incompréhensibles et contradictoires se sont succédé : port du masque obligatoire en extérieur dans la plupart des grandes villes françaises, espagnoles, italiennes et à Bruxelles, mais nulle part ailleurs ; port du masque obligatoire en intérieur en Belgique ou en France, mais seulement dans certains lieux en Autriche et aux Pays-Bas ; quatorzaine obligatoire même en cas de test négatif en Irlande ; tests aléatoires à l'arrivée avec enfermement dans un hôtel s'ils sont positifs en Grèce ; quatorzaine ramenée à cinq jours en Allemagne ; etc.
L'effet de cette épidémie de panique ne s'est pas fait attendre : le tourisme et le transport (aérien et ferroviaire) se sont effondrés et la confiance s'est évanouie, faisant caler la croissance, ce qui rend déjà le plan de relance européen insuffisant. Et une nouvelle fois, la Commission n'a pas été au rendez-vous. Elle est restée totalement silencieuse, se contentant, le 8 août, de demander des «explications» à la Belgique. Il faudra, exactement comme en mars, que la France exige que la question soit traitée par les Etats pour que l'exécutif européen se réveille : vendredi, il a enfin proposé que les pays se coordonnent et se basent sur des critères communs… Trop peu, trop tard. Presque tout est à refaire.