A peine les cendres envolées, ils ont reconstruit. Le camp de déplacés de Faladié, à la sortie sud de Bamako, a été englouti par les flammes le 28 avril. Les enfants jouent aux archéologues en déterrant les bases des poteaux en bois carbonisés qui indiquent l’emplacement passé des abris de fortune. Mais le bidonville a vite repris ses droits : les huttes de plastique, d’herbe et de carton se serrent à nouveau dans les petites allées encombrées de chèvres et de vieillards somnolents.
Le site abrite en réalité deux camps jumeaux séparés par une fine membrane : un muret de briques séchées. D’un côté, les Peuls ; de l’autre, les Dogons. Dans la région de Mopti, au centre du Mali, les deux communautés s’entretuent depuis trois ans. L’arrivée des groupes jihadistes dans la zone a servi d’étincelle pour enflammer une vieille rivalité, alimentée par des conflits fonciers, la compétition éleveurs (Peuls)-cultivateurs (Dogons) et la large circulation des armes automatiques. Les insurgés islamistes ont d’abord recruté parmi les populations peules nomades, délaissées et persécutées par l’Etat. Les Dogons ont mobilisé leurs chasseurs traditionnels ou se sont organisés en milices pour se défendre. Les exactions des militaires, l’instrumentalisation des groupes armés, les amalgames ethniques et l’engrenage des représailles ont fait basculer la région dans une spirale infernale. Elle est aujourd’hui, de loin, la plus touchée par les violences. Plus de 1 700 civils y ont été tués depuis 2018,