«Il est clair que Loukachenko doit partir», a affirmé Emmanuel Macron ce week-end, au Journal du dimanche. Ce qui ne l’est pas, en revanche, c’est où, quand et comment. La stratégie envisagée par le Président, à la veille d’une visite officielle en Lituanie (où s’est réfugiée Svetlana Tikhanovskaïa, la cheffe de l’opposition biélorusse), semble de s’appuyer sur la bonne volonté de Vladimir Poutine, puisque «la Russie a une relation de très grande proximité avec la Biélorussie». «Il se trouve que j’ai parlé à Vladimir Poutine le jour où il recevait Loukachenko à Sotchi, je lui ai dit que la Russie a un rôle à jouer, et ce rôle peut être positif, s’il pousse Loukachenko à respecter la vérité des urnes et à libérer les prisonniers politiques. C’était il y a quinze jours, nous n’y sommes pas.»
«Immature»
Une prise de position tardive, sept semaines après l’élection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko, le 9 août, mais «très appréciée» par Svetlana Tikhanovskaïa, qui espère rencontrer le chef d’Etat français lors de cette visite. «Maintenant, nous devons discuter de l’organisation de nouvelles élections, a-t-elle réagi auprès de Libération. Nous espérons que la France aura le courage de faire pression sur Loukachenko pour faire libérer les prisonniers politiques, qui ne doivent pas faire l’objet de négociations.» Moins content, Loukachenko a répondu à Macron, qu’il trouve «immature» (puisqu’il n’a pas, comme lui, vingt-six ans de présidence au compteur), de «commencer par résoudre les problèmes qui se sont beaucoup accumulés» en France.
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Depuis Vilnius, l’opposante se démène pour trouver des soutiens, même symboliques, alors que les Etats-Unis font profil bas, que l’Union européenne s’est très vite cassé les dents sur la question des sanctions, refusées en bloc par Chypre, et que l’appétit russe pour son voisin a été acéré par la crise. Or, peu importe de quel côté elle se tourne, Svetlana Tikhanovskaïa, qui souhaite à tout prix préserver la souveraineté de la Biélorussie, se retrouve prise dans des négociations qui dépassent largement ses intérêts, au profit de ceux de la Russie. Même Emmanuel Macron, qui se voulait engagé dans un dialogue avec le Kremlin, se retrouve dans une situation inconfortable depuis l’affaire Navalny, l’empoisonnement au Novitchok de l’opposant ayant tendu les relations entre Paris et Moscou.
Menace d’une invasion russe
Seuls les pays baltes, Lituanie en tête, et la Pologne, ont pris fait et cause pour l’opposition biélorusse : si Svetlana Tikhanovskaïa parvenait à renverser Loukachenko, la menace d’une invasion russe, crainte constante de ces gouvernements (et régulièrement ravivée par des exercices militaires à la frontière), serait considérablement amoindrie. «Nous n’avons pas le temps de tergiverser, nous devons trouver un accord, prendre des sanctions, mener une enquête sur le terrain, défend Linas Linkevicius, le ministre lituanien des Affaires étrangères. Les déclarations, même fortes, ne suffisent pas. L’Union européenne doit donner son soutien politique et économique à l’opposition.» Car, estime Linas Linkevicius, à ne rien faire, «l’Union est en train de perdre sa crédibilité. Nous devons envoyer un message clair à la Russie, qui ne doit intervenir en aucun cas en Biélorussie».
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L’opposition biélorusse se retrouve elle-même prisonnière des intentions de Poutine : si le président russe a pour le moment choisi de soutenir Loukachenko, Svetlana Tikhanovskaïa ne peut pas lui tourner le dos, car, même indépendante, la Biélorussie sera toujours dépendante de la Russie. «Je suppose que nous allons devoir créer un groupe ad hoc, avec la France, l’Allemagne, les Etats-Unis, l’Autriche, le Royaume-Uni, la Pologne et la Lituanie, sous mandat de l’OSCE, pour sortir de cette crise», analyse Pavel Latouchko, ancien ambassadeur de France et membre du Conseil de coordination, l’organe issu de l’opposition pour mener à bien la transition démocratique en Biélorussie.
Changement de régime
Alors que la plupart des pays occidentaux ne reconnaissent plus la légitimité d’Alexandre Loukachenko à la tête de la Biélorussie, ils butent sur la question des sanctions, considérée par l’opposition comme une étape essentielle au changement de régime : «Les personnes responsables de la falsification des élections, des actions brutales contre la population, des morts, de la torture, doivent faire l’objet de sanctions personnelles, insiste Pavel Latouchko. Les institutions contrôlées par les auteurs de violences ou de fake news doivent faire l’objet de sanctions économiques.» C’est aussi ce que demandent les Biélorusses, confrontés tous les week-ends aux violences policières, alors qu’ils manifestent pacifiquement.