Le policier en tenue bleue, béret noir et lunettes de soleil, sifflet au coin des lèvres, est l’heureux titulaire d’un poste à «Dubaï». Non pas au Qatar, mais dans les entrailles grouillantes de Bamako. A l’endroit précis où la ligne abandonnée du chemin de fer Mali-Sénégal croise le goudron de la rue Achkabad, axe historique de circulation nord-sud de la capitale, emprunté notamment par les sotramas, ces camionnettes déglinguées reconverties en minibus, et les antiques «bâchés» Peugeot. Le trafic y est dense, le ralentissement obligé à cause des vieux rails qui cravachent les amortisseurs. A peine besoin de siffler pour obtenir l’arrêt d’un véhicule : l’argent des bakchichs - pour des infractions réelles ou imaginaires, peu importe - coule tout seul dans la main du policier. Comme à Dubaï.
Mais les affectations comme celles-ci, convoitées par les agents de circulation, se monnayent auprès des supérieurs hiérarchiques. Qu’il faut évidemment rembourser en paiements réguliers, en essorant les sotramas, les taxis, et tout ce qui roule sur deux, trois ou quatre roues. A défaut, les policiers sans ambition ou sans relations se voient attribuer des emplacements maudits, surnommés «Tchad». Ainsi, une cascade inversée de versements irrigue les commissariats. Chaîne de pots-de-vin efficace, connue et bien rodée, à l’image de mille autres qui maillent l’administration malienne.
4 × 4 de luxe
Pour des centaines de milliers de jeunes sans emploi, se débattre quotidiennement dans ce filet de corruption