Le Parlement européen va-t-il retourner siéger à Strasbourg lors de sa seconde session plénière d'octobre (du 19 au 22) après sept mois d'absence ? La décision sera prise jeudi par les présidents des groupes politiques. Mais continuer à boycotter la capitale alsacienne à cause de la situation épidémique sur place devient difficile à justifier dès lors que les indicateurs s'améliorent. Un porte-parole du social-démocrate italien David Sassoli, président du Parlement, le reconnaît : «Nous sommes prêts à aller à Strasbourg», car «la situation [sanitaire] est bonne». Mais, ironiquement, c'est désormais le Bas-Rhin qui se fait tirer l'oreille, les autorités locales n'ayant guère envie de voir débarquer tout un aréopage potentiellement contaminateur puisque le taux d'infection de Bruxelles, là où se trouve le second siège du Parlement, atteint un niveau alarmant qui le placerait, en France, en zone d'alerte maximale, ce qui n'est pas le cas de Strasbourg…
Bruxelles, zone rouge
Le Parlement européen a été la première institution à prendre au sérieux la pandémie de coronavirus en décidant, dès février, de généraliser le travail à distance et de ne plus se rendre à Strasbourg alors que les traités européens prévoient que douze sessions par an doivent s’y tenir (le reste du temps, le Parlement est à Bruxelles). L’argument sanitaire était certes fondé, déplacer près de 2 500 personnes une fois par mois étant dangereux en soi, mais il a rencontré la volonté maintes fois affirmée par les quatre cinquièmes des eurodéputés de disposer d’un siège unique à Bruxelles. Depuis février, le virus s’est largement propagé dans l’Union, si bien que l’argument sanitaire s’est considérablement affaibli d’autant que, depuis septembre, les sessions physiques ont repris.
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Les pro-Bruxelles ont cependant pu compter sur le soutien (involontaire ?) des autorités belges. Durant l'été, elles ont en effet placé petit à petit toute la France en zone rouge, ce qui impliquait pour ceux qui s'y rendaient de respecter à leur retour une quatorzaine… Un argument en or pour maintenir les sessions plénières à Bruxelles en septembre et en octobre. Mais, il y a quinze jours, la quarantaine réduite à sept jours est devenue seulement «recommandée» et, surtout, la dégradation de la situation sanitaire dans le royaume s'est considérablement dégradée.
Prétextes politiques
Emmanuel Macron a donc décidé de sortir du bois le 23 septembre dans une lettre particulièrement ferme envoyée à David Sassoli et dont le contenu a été révélé par les Dernières nouvelles d'Alsace : «La situation [sanitaire] est certes difficile, mais elle l'est tout autant à Bruxelles qu'à Strasbourg», souligne-t-il. Le locataire de l'Elysée affirme sa détermination à ne pas laisser «des prétextes politiques récupérer la crainte que soulève la pandémie pour mettre en cause ce symbole de l'unité retrouvée» qu'est Strasbourg. Le chef de l'Etat estime même nécessaire de «définir des mécanismes de compensation, qui pourraient par exemple prendre la forme d'un rallongement des sessions dans les prochains mois», celle-ci ayant été raccourcie d'un jour il y a plusieurs années et remplacées par des «mini-sessions» de deux jours à Bruxelles. Les travaux de la future conférence sur l'avenir de l'Europe pourraient aussi s'y tenir.
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Si retour il y a, ce sera sous une forme allégée : les députés ne seront accompagnés que par un seul assistant parlementaire et la grande majorité des fonctionnaires continueraient à télétravailler de chez eux comme ils le font depuis sept mois. Les pro-Strasbourg notent d’ailleurs que le Parlement a fait la démonstration qu’il pouvait travailler à distance avec les autres institutions et que le siège de Bruxelles n’était au fond pas nécessaire…