Menu
Libération
Reportage

Argentine : à Guernica, la crise du logement gagne du terrain

Article réservé aux abonnés
Fragilisés par la crise du Covid, de nombreux Argentins ne peuvent plus payer leur loyer. Près de Buenos Aires, 2 300 familles occupent une parcelle qui devait accueillir des résidences de luxe. Elles risquent l’expulsion cette semaine.
Le terrain de Guernica accueille 2 300 familles sur plus de 100 hectares, soit la plus grande occupation illégale de terre du pays. (Photos Pablo Ernesto Piovano pour Libération)
par Mathilde Guillaume, envoyée spéciale à Guernica (Argentine). Photo Pablo Ernesto Piovano
publié le 22 octobre 2020 à 18h26

«Dis, t'aurais pas un matelas en rab ?» Quand elle a reçu ce texto de la part de son cousin, il y a trois mois, Paola n'avait ni matelas ni rien d'autre en rab. Quand son smartphone rafistolé au scotch a vibré, cette femme de ménage de 35 ans, payée au noir et à l'heure avant la pandémie, se tordait les mains devant un tas de factures impayées. La mère de deux enfants se rongeait les ongles en relisant les menaces d'expulsion de son petit appartement de la grande banlieue de Buenos Aires.

Comme pour des millions d'Argentins dépendant de l'économie informelle, le frêle équilibre économique de Paola a été anéanti par la crise du Covid et le strict confinement décrété dès le 20 mars. Plus aucun revenu car ses employeurs, des familles bourgeoises du centre de Buenos Aires, ont refusé de la payer «à ne rien faire». Comme elle, 69 % des salariés n'ont pas été payés depuis mars, 40 % de la population vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté et des millions de personnes sont mal logées. Les aides mises en place par le gouvernement, notamment le revenu familial d'urgence (IFE) de 10 000 pesos (entre 60 et 140 euros selon le taux de change), ne parviennent pas à répondre aux besoins les plus élémentaires : le seul loyer de Paola était de 11 000 pesos. 38 % des locataires argentins n'ont pas pu s'acquitter de leur loyer en septembre.

À lire aussi