Rosanna Esparza se tient sur la falaise de Panorama Drive, au bord du précipice. Autour d’elle, quelques coureurs vont et viennent. Ils ne prêtent pas attention au champ pétrolifère vieux de cent vingt ans qui s’étend à leurs pieds. La vue a des airs de peinture, ses contours rendus huileux et flous par la brume de pollution grisâtre qui recouvre Bakersfield, chef-lieu du comté de Kern, au cœur de la vallée Centrale californienne. Un nuage de fumée plus foncé se déverse depuis l’est, où un incendie continue de consumer la Sierra Nevada depuis le 21 août.
Du haut de son promontoire, cette gérontologue devenue activiste, qui a déménagé de la vallée en 2015 «parce que sa mère de 92 ans n'arrivait plus à y respirer», désigne la file désordonnée de chevalets de pompage. Ils ressemblent à des chevaux géants dodelinant de la tête. Certains sont énergiques et rutilants, d'autres couleur rouille ne bougent plus. Parmi eux s'élèvent des citernes à pétrole couleur sable, hautes comme un immeuble de quatre étages, et des tours de fracturation hydraulique que les locaux appellent leurs «sapins de Noël». Un amas sombre de panneaux solaires est posé là, ironiquement, destiné à produire la vapeur nécessaire au forage. Rosanna Esparza soupire puis montre, en bordure des collines dorées, une terre publique que le gouvernement fédéral compte ouvrir à l'exploitation pétrolière dès la fin de l'année. «Le comté de Kern est occupé à soigner ses blessures encore béantes, c