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Libération
Réconciliation

De l’offense à l’humour, quand le Kazakhstan adopte Borat

L’Etat kazakh reprend la formule «Very nice !» du personnage culte du comédien britannique Sacha Baron Cohen pour promouvoir le tourisme. Pourtant, en 2006, le reporter burlesque qu’il incarne avait provoqué les foudres du gouvernement.
Sacha Baron Cohen à Hollywood, le 23 octobre. (Phil McCarten/Photo Phil McCarten. Reuters)
publié le 27 octobre 2020 à 14h22

Finalement, le Kazakhstan trouve Borat «very nice !». Plutôt que de se fâcher comme en 2006 lors de la sortie du film «Borat: leçons culturelles sur l’Amérique au profit glorieuse nation du Kazakhstan», le gouvernement kazakh a décidé de capitaliser sur le retour du personnage de Sacha Baron Cohen pour promouvoir le tourisme, en perte de vitesse à cause de la pandémie. «Very Nice !», le slogan du reporter kazakh incarné par l’acteur britannique et affublé de toutes les tares et déviances, a été repris pour une campagne publicitaire du ministère chargé du tourisme. L’acteur britannique s’attendait plutôt à subir les foudres des dirigeants de l’ancienne république soviétique pour la sortie, vendredi dernier, de Borat 2 sur Amazon Prime Video.

Dans ces documentaires parodiques, Sacha Baron Cohen incarne Borat Sagdiyev, reporter en provenance de Kuçzek, une petite ville du Kazakhstan, envoyé par la télévision de son pays aux Etats-Unis pour y tourner un reportage. Le Kazakhstan y est tourné en dérision : Borat est affublé de toutes les tares. Il est raciste, homophobe, antisémite ou encore misogyne, et présente Kuçzek, son village d'origine, comme peuplé d'arriérés inéduqués. Ce sont pourtant les Etats-Unis qui sont au cœur du film tourné en caméra cachée auprès d'anonymes ou de personnalités connues. Sacha Baron Cohen y ridiculise les travers de la société américaine de George Bush puis de Donald Trump à quatorze ans d'écart.

Difficile de ne pas voir que ce portrait du Kazakhstan n'est qu'une grossière parodie. Mais en 2006, les autorités locales, vexées par cette mauvaise publicité, avaient réagi avec gravité, allant jusqu'à acheter quatre pages dans plusieurs journaux américains et sur des télévisions pour présenter le pays comme moderne, stable et ouvert. Roman Vassilenko, le porte-parole du gouvernement de l'époque, avait aussi voulu mettre les choses au clair : non, les Kazakhs ne boivent pas de l'urine de cheval comme affirmé dans le film.

«Nouveau slogan officiel»

Quatorze ans plus tard, changement radical de stratégie de com. L'idée vient de Dennis Keen, raconte le New York Times. Diplômé de l'université de Stanford, l'homme s'est installé au Kazakhstan après être tombé amoureux du pays lors d'un premier voyage, alors qu'il était encore étudiant à Los Angeles. C'était en 2005, un an avant la sortie du premier film de Sacha Baron Cohen. Ce guide touristique à Almaty, qui propose des visites guidées de la plus grande ville du pays mais aussi son centre culturel et commercial, a eu l'idée de détourner la phrase du reporter incarné par Cohen pour capitaliser sur la sortie du nouveau film.

Dennis Keen et son ami kazakh Yermek Utemissov se sont lancé il y a deux semaines dans le tournage de quatre petites séquences de 12 secondes rassemblées dans un spot de campagne sorti lundi. La vidéo montre des touristes en visite dans des lieux emblématiques du pays et ponctuant leurs découvertes de «very nice !». Que ce soit devant des habits traditionnels ou les vastes paysages kazakh. Dans l'une des puces, un touriste goûte le fameux lait fermenté présenté comme de l'urine dans Borat et lâche : «That's actually very nice !». Publiée sur YouTube par Kazakhstan Travel, le site du ministère de la culture kazakh, qui fait la promotion du tourisme dans le pays, le 26 octobre, la vidéo est intitulée : «Very nice !», nouveau slogan officiel du tourisme au Kazakhstan, réponse à Borat.» La réconciliation semble totale.

Pour Kairat Sadvakasov, vice-président du tourisme kazakh, le slogan de Borat offre même «la description parfaite du vaste potentiel touristique du Kazakhstan d'une manière courte et mémorable». En 2012, six ans après sa grosse colère, l'Etat kazhak s'était déjà un peu déridé, constatant que la sortie du film faisait en fait la promotion du pays, en attisant la curiosité. Lors d'une séance au Parlement, le ministre des Affaires étrangères Ierjan Kazykhanov s'était félicité d'un boom du tourisme attribué au film, les visas accordés aux étrangers ayant été multipliés par 10.