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Immigration

D'Afrique du Nord au Paraguay, le voyage sans retour de sept migrants clandestins

Arrivés en Serbie en provenance du Maroc, de l'Algérie et de l'Egypte, ils se sont cachés dans un container d'engrais qu'ils croyaient en partance pour la Croatie. Leurs corps ont été retrouvés en Amérique du Sud trois mois plus tard.
Le container où ont été retrouvés les corps de sept migrants, à Asunción (Paraguay). (Jorge Saenz/Photo Jorge Saenz. AP)
publié le 3 novembre 2020 à 12h11

Deux passeurs présumés ont été arrêtés la semaine dernière en Serbie, a annoncé la police. Les deux hommes, un Marocain et un Algérien, sont soupçonnés d’avoir facilité l’entrée dans un container de fertilisants, le 21 juillet, de sept migrants qui croyaient se diriger vers la Croatie. Trois mois plus tard, leurs corps ont été découverts à plus de 16 000 kilomètres de la Serbie, à Asunción, capitale du Paraguay.

«Les corps sont décomposés, il n'en reste que des cheveux et des os», a déclaré à la presse, le 24 octobre, le procureur chargé de l'affaire, Marcelo Saldivar. D'après le médecin légiste, au moins un corps présentait des traces d'asphyxie : les migrants sont probablement morts à la fois du manque d'oxygène (il ne restait qu'un espace de 30 centimètres au-dessus des sacs empilés) et des émanations des engrais, plus que de faim ou de soif. De l'eau et des paquets de biscuits ont d'ailleurs été retrouvés dans des sacs à dos. Les produits chimiques transportés ont pu en outre avoir accéléré la décomposition, a précisé le légiste.

Un parcours tragique

Le lieu de départ et l’identité des victimes ont pu être établis grâce aux documents retrouvés : permis de transit, cartes téléphoniques en caractères cyrilliques et une note de taxi délivrée en Serbie. Quatre d’entre eux étaient Marocains, deux autres Algériens et le dernier, Egyptien. Grâce à leurs comptes Facebook, divers médias paraguayens et marocains ont pu reconstituer le parcours tragique des sept victimes.

Le groupe se trouvait à Sid, ville serbe à la frontière de la Croatie, et cherchait un train de marchandises pour entrer dans ce pays de l’Union européenne. De là, ils pensaient parvenir sans grandes difficultés en Italie, leur destination. Si le container où ils avaient pris place est bien passé en Croatie, il a été chargé sur un cargo avant que les clandestins aient pu en sortir. Le navire a ensuite fait escale en Egypte puis en Espagne, avant d’être débarqué dans le port de Buenos Aires et d’arriver par la voie fluviale au Paraguay.

Le cul-de-sac serbe

Depuis une semaine circulent sur les réseaux sociaux des photos, des témoignages d’amis et de membres supposés des familles, le tout étant difficilement vérifiable. La plupart des récits dessinent le parcours habituel des migrants qui cherchent à gagner un pays de l’Union européenne par la voie terrestre, jugée moins dangereuse que la traversée de la Méditerranée. D’abord un déplacement à Istanbul, puis l’attente d’une solution pour quitter la Turquie en empruntant la route des Balkans qui traverse la Grèce, la Macédoine du Nord, le Kosovo, l’Albanie…

Pour ces migrants, la Serbie se transforme en cul-de-sac, les possibilités de rejoindre un pays de l’Union européenne étant de plus en réduites. Quelque 6 000 migrants seraient actuellement bloqués dans le pays. Trois camps de réfugiés ont été installés le long de la frontière avec la Croatie. Depuis le mois de mai, ces camps sont contrôlés par l’armée, à la suite d’incidents autour de la ville de Sid et de manifestations xénophobes de la population.