«Je reviendrai et je serai des millions.» Cette phrase attribuée à Túpac Katari, rebelle aymara démembré en 1751 à La Paz pour avoir défié l’autorité coloniale espagnole, avait servi de slogan à Evo Morales lors de la campagne électorale de 2005 qui devait se conclure par son élection à la tête de la Bolivie. C’est sans doute avec ces mots en tête que l’ex-président est rentré lundi dans son pays, juste un an après avoir dû le quitter sous la pression de la rue et des militaires.
Attendu par des milliers de partisans brandissant la wiphala, le drapeau multicolore des peuples indigènes qui était déjà l’emblème de Túpac Katari, l’ancien président bolivien (2006-2019) a traversé à pied le pont transfrontalier qui relie la ville de La Quiaca, dans le nord de l’Argentine, à Villazón, dans le sud de la Bolivie.
Premier anniversaire
Son intention est de gagner en trois jours son fief de Chimoré (département de Cochabamba, dans le centre de pays), à 1 000 km de distance, accompagné d'un convoi de 800 véhicules. La date du retour est symbolique : au lendemain de l'investiture comme président de son dauphin Luis Arce, dimanche, et quelques heures avant le premier anniversaire de sa démission forcée, le 10 novembre 2019.
Lundi, Evo Morales était accompagné du côté argentin par le président de centre gauche Alberto Fernandez, qui a assisté à l'investiture de Luis Arce. «Merci beaucoup mon frère Alberto», lui a lancé Morales, soulignant qu'il lui a «sauvé la vie». Le premier président indigène de Bolivie avait en effet fui quelques semaines au Mexique, avant de trouver refuge en Argentine.
L'élection le 16 octobre de Luis Arce et de son colistier David Choquehuanca, candidats du Mouvement vers le socialisme (MAS), le parti de gauche fondé par Evo Morales, a mis fin à une année de convulsions dans le pays. A l'issue de la présidentielle d'octobre 2019, et de la confusion qui avait entouré les résultats le donnant vainqueur, l'opposition avait crié à la fraude.
Les rues avaient été prises d’assaut et l’armée avait finalement lâché Morales, qui s’était réfugié à Chimoré, là où il avait commencé son activité de représentant syndical des cocaleros, les cultivateurs de coca, dans les années 1980, avant d’être élu député.
«Sédition» et «terrorisme»
Accusé par la justice pendant son exil de «sédition» et de «terrorisme» pour avoir appelé ses partisans à des manifestations parfois violentes, Evo Morales n’était pas autorisé à se présenter à la présidentielle. Son parti a alors désigné deux de ses anciens ministres. Peu après la proclamation des résultats, le mandat d’arrêt contre l’ancien président était levé, permettant son retour dans le pays.
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La victoire des candidats du MAS, dès le premier tour avec 55% des voix, a surpris par son ampleur. Elle ouvre la voie à un «evisme sans Evo», et réconcilie le MAS avec une partie de l’électorat qui reprochait au Président ses penchants autoritaires et sa volonté de s’éterniser au pouvoir. Evo Morales briguait en effet en 2019 un quatrième mandat, alors que les électeurs s’étaient prononcés contre cette possibilité à l’occasion d’un référendum en 2016. Il était passé outre, grâce à une décision très contestée de la Cour constitutionnelle.
L'ancien président affirme aujourd'hui qu'il abandonne la politique, et qu'il souhaite reprendre ses activités de syndicaliste. Le président Arce l'a confirmé, en annonçant qu'il ne jouerait aucun rôle dans le gouvernement, même si «ses conseils seront les bienvenus». Morales reste cependant le président du MAS.