Les grandes places financières reprennent des couleurs. Après l’annonce de la victoire de Joe Biden, qui a redonné un premier coup de peps aux marchés, celle des résultats des tests du vaccin anti-Covid du laboratoire américain Pfizer, associé à son partenaire allemand BioNTech, a provoqué une flambée historique des cours. Comme si la promesse d’un traitement (annoncé comme efficace à 90%) marquait le début d’une possible reprise de l’économie.
Spectaculaire lundi, la hausse s’est poursuivie mardi, de manière beaucoup plus modérée. Le thermomètre des marchés, l’indicateur le plus immédiat et avancé de la conjoncture, a repris près de 8% lundi à la bourse de paris, l’une des plus fortes hausses de ces dix dernières années et près de 2% mardi. A Wall Street, le Dow Jones a connu sa plus forte hausse depuis juin, en gagnant 2,95% lundi. A l’inverse et après avoir beaucoup bénéficié de la première vague du confinement, l’indice Nasdaq, à très forte coloration technologique, a reculé de 1,53%. Le signe d’une «rotation sectorielle» qui pourrait s’amorcer comme le disent les analystes.
Le secteur aérien retrouve de l’oxygène
Les valeurs les plus touchées par les conséquences de la pandémie de Covid-19, comme celles du secteur aérien, «massacrées» ces derniers mois, sont celles qui connaissent la progression la plus importante. Lundi, Air France-KLM a engrangé +27%, IAG (la maison mère de British airways) 25% et EsasyJet 35%. Même rebond constaté chez les constructeurs aéronautiques comme Airbus ou Safran, ou chez l’américain Boeing, la plus forte hausse de la bourse américaine mardi. La reprise de l’activité en Chine, où Airbus annonce avoir enregistré 72 commandes en octobre – son meilleur mois depuis le début de l’année – fait espérer des jours meilleurs, comme l’illustre également le retour du trafic aérien à son niveau d’avant-crise sur les liaisons intérieures chinoises. En Asie toujours, l’action de Japan Airlines a regagné plus de 18% mardi à la Bourse de Tokyo, tandis que Singapore Airlines gagnait 14%. Les sociétés spécialisées dans l’hôtellerie ou très liées au tourisme ont également vu leurs capitalisations repartir à la hausse.
Les banques et l’industrie étaient aussi orientées à la hausse mardi à la Bourse de Paris, prolongeant leur bond exceptionnel de la veille. La palme de la plus forte hausse outre-Atlantique est revenue à l’organisateur de croisières Carnival, dont le cours s’est envolé de près de 40% tandis que les compagnies aériennes comme American Airlines (+15,18%) ou United Airlines (+19,15%) étaient également en net regain bousier. Autant de rebonds qui restent cependant à relativiser, les cours restant très largement en deçà de leur niveau atteint avant le début de la pandémie.
Contrecoup pour les valeurs de la Tech
A l’inverse, les valeurs de la Tech, qui auront été les grandes gagnantes du confinement en profitant de l’engouement des confinés pour leurs services connectés, marquent le pas. L’action du logiciel de téléconférence Zoom, star du confinement, qui a donné son nom à une nouvelle variante de l’apéritif du vendredi soir, a brutalement chuté de plus de 15%, après avoir vu tout de même son cours s’envoler de 500% à l’échelle de 2020. Peloton Interactive, qui propose des équipements sportifs connectés et une application pour faire du vélo d’appartement, a elle aussi dévissé de 15%. Sur l’année, le cours de son action a toutefois augmenté de 260% !
Autre secteur chahuté, celui du jeu vidéo, où la plupart des valeurs sont orientées à la baisse alors que la période s’annonce cruciale avec l’arrivée de deux nouvelles consoles Xbox chez Microsoft et Playstation 5 chez Sony. L’action Ubisoft a perdu près de 10% depuis l’annonce du vaccin, et les autres géants du secteur, comme l’américain Electronic Arts ou le japonais Nintendo, sont aussi en net recul après avoir bien progressé ces derniers mois.
Les géants du numérique, qui ont vu leur valeur boursière s'envoler depuis le début de l'année, sont pour leur part moins touchés par ce reflux des services dématérialisés. Netflix, dont l'action a augmenté de 50% cette année, a dévissé de 5%. Amazon, qui a pris 70% en 2020, n'a perdu que 3% après les annonces de Pfizer et Apple mardi abandonnait entre 1,8% et 2,3%. Logiquement, les investisseurs privilégient les secteurs qui devraient le plus profiter d'une reprise de l'économie. «La différence sur le marché est frappante : les plus gros gagnants sont parmi les actions les plus touchées par la pandémie –tandis que les gagnants du Covid se portent mal», résume Neil Wilson, analyste de Markets.com.
Revival du «monde d’avant»
Autre signe de ce petit revival du «monde d'avant», le pétrole qui, durant le premier confinement, s'était retrouvé valoir moins que 0 en raison des mécanismes des marches à terme est toujours en hausse mardi après la forte poussée de lundi. Le baril de brent de la mer du Nord gagnait 1,42% après avoir engrangé 7,5% lundi, sa plus forte hausse depuis juin. A New York, le baril américain a gagné 8,5% lundi et gagne en séance 2% mardi. «La fête continue pour les prix du pétrole», constate Carlo Alberto De Casa, analyste du courtier en ligne Activtrades. Les investisseurs «s'attendent à ce que ce vaccin mette un coup d'arrêt à la pandémie, qui a été très préjudiciable pour la demande» d'or noir. A l'inverse, les valeurs refuge comme l'or, sont en recul. Selon la plupart des experts, les jours prochains s'annoncent agités en bourse avec une volatilité qui pourrait s'accroître. Comme met en garde un analyste, «attention à ne pas s'emballer. Le choc a été très violent pour les entreprises et les ménages, les dettes ont explosé et beaucoup d'emplois perdus». L'économie réelle n'en a pas du tout fini avec la pandémie.