Un dessin au pochoir s’est répandu ces derniers mois sur les murs «T-Walls» de Kaboul, ces hauts remparts de béton entourant les bâtiments officiels. Une silhouette de femme en hijab y figure, une kalachnikov à la main. L’icône s’appelle Qamar Gul. Elle est originaire de la province de Ghor, dans l’Ouest afghan. Une nuit, l’été dernier, les parents de cette jeune fille de 15 ans ont été assassinés par des talibans ayant fait intrusion dans la cour familiale.
Aidée par son petit frère retranché à ses côtés et qui lui a passé les munitions, elle a abattu un à un les meurtriers depuis la fenêtre, avec la kalachnikov de son père. Relayée sur tous les plateaux de télévision, l’héroïsme de l’orpheline au visage rond et timide est alors célébré jusque dans les bureaux de la présidence.
«Instrumentalisées en période de crise»
Mais l'histoire se révèle finalement plus complexe, l'incursion talibane cachant sans doute, selon une enquête très nourrie du New York Times, une vengeance familiale. Qamar Gul aurait été mariée à l'un de leurs combattants. «Dans le contexte des négociations de paix à Doha, le culte érigé à Qamar Gul n'a rien d'anodin. Nous sommes habituées à nous voir instrumentalisées en période de crise», note Nargis Azaryun d'un petit rire grinçant. L'élégante jeune femme au verbe vif est membre du Women's National Movement for Peace, un collectif regroupant des fonctionnaires, des militantes, des spécialis