Le regard vissé sur les flots, les officiers du navire des garde-côtes turcs à bord duquel Libération a pu embarquer au départ de Marmaris, fin octobre, sont à la recherche d'une embarcation en détresse. Le patrouilleur file à toute vitesse. A bâbord, scintillent les lumières de l'île grecque de Rhodes. A tribord, la masse sombre des côtes anatoliennes. Le temps presse. «La plupart des migrants ne savent pas nager. Si leur canot coule, c'est la mort assurée», prévient le capitaine.
Après une heure de course folle, le petit groupe est repéré. Le patrouilleur braque un projecteur sur les naufragés : deux petits canots de sauvetage orange, ballottés à quelques mètres de rochers escarpés. Commence alors les allers-retours pour ramener à bord les 18 migrants, syriens et gazaouis. Choqués et frigorifiés, ils s'emmitouflent dans les couvertures qui leur sont distribuées. Parmi eux, deux enfants de 3 et 4 ans. «Merci. Nous avons cru mourir», souffle Hasan Hussein, un ingénieur électricien originaire d'Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie.
Dépouillés
«Vous avez de la chance, glisse un officier à notre intention. Les trois quarts du temps, on retrouve des gens terrifiés, agrippés les uns aux autres avec des cadavres au milieu. Ça fait quatre ans que je suis posté en mer Egée. Personne ne peut