Au cœur d’un quartier résidentiel de Buenos Aires, des mégaphones, pancartes et slogans appellent à «sauver les deux vies», celle du fœtus et celle de la personne enceinte. L’habituelle tranquillité n’est pas de mise en cette journée de la fin novembre. Agités en l’air, des foulards bleu ciel, couleur du drapeau argentins, évoquent, comme dans un effet miroir, les bannières vertes de la lutte pour le droit à l’avortement.
Rivales
Avec la pandémie et la difficulté à appeler à de grandes mobilisations, la frange la plus radicale du mouvement «anti-droits», comme le surnomment les féministes, a ajouté une nouvelle modalité aux traditionnelles manifestations : celle de l'«escrache», happening bruyant et intimidant devant le domicile des députés en faveur de l'IVG. Un type de dénonciation normalement réservé aux tortionnaires de la dernière dictature militaire. Parmi les forces convoquant ces nombreux escraches : des membres de l'Eglise catholique et des Eglises évangéliques, d'ordinaire rivales, exceptionnellement réunies contre le projet de loi de légalisation de l'avortement. «Elles ont commencé à se rapprocher ponctuellement en 2010, lors du vote pour le mariage pour tous, rappelle Sol Prieto, docteure en sciences sociales et spécialiste des religions. En 2018 [lors du vote d'un texte similaire à celui qui sera débattu ce jeudi, ndlr], elles se sont retrouvées autour d'une stratégie commu