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Libération
Éditorial

Censure légale

publié le 10 janvier 2021 à 20h26

A quelques jours de la fin de son mandat, Donald Trump est tombé en disgrâce. En un week-end, il a vu ses comptes Facebook, Instagram, Twitter, Snapchat et Twitch fermés, parfois définitivement. Le réseau social Parler, refuge privilégié des pro-Trump et autres QAnon, privé d’hébergement par Amazon et retiré des stores d’Apple et Google. Artisans d’un véritable impeachment numérique, Zuckerberg, Bezos, Dorsey et les autres ont réduit au silence le président sortant des Etats-Unis. Défait dans les urnes, désormais sans voix sur les réseaux sociaux et les plateformes. Qu’il ne condamne pas l’invasion du Congrès par ses partisans aurait pu être un épisode de plus dans la surenchère perpétuelle auquel Trump se livre. La portée symbolique de l’événement et les morts dans les couloirs du Capitole ont convaincu les géants du numérique d’agir. Trop tard ? De toute évidence, après des années de propos racistes et mensongers. Outrepassant leurs droits ? Pas sûr. En interdisant a priori tout propos - fût-il licite -, Twitter, Facebook et consorts ont sciemment décidé d’exercer leur pouvoir de censure. Une décision légale au regard du droit américain, appuyée sur un socle juridique - la violation de leurs conditions générales d’utilisation - discutable mais solide. Et une émancipation, au nom du principe de modération, du devoir de neutralité que leur impose naturellement leur statut d’hébergeur. En France, la proposition de loi Avia contre les contenus haineux sur Internet n’avait pas passé les fourches caudines du Conseil constitutionnel. Au-delà des arguties juridiques, le bannissement de Trump des agoras 2.0 rappelle l’impérieuse nécessité d’une régulation transnationale. Le seul moyen d’encadrer, à défaut de les empêcher, les hydres numériques de demain.