Professeur à Sciences-Po, spécialiste du Moyen-Orient, Stéphane Lacroix analyse les tentatives pour imposer la contre-révolution, restaurer un ordre autoritaire et réécrire la leçon des événements du printemps arabe.
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Dix ans après les révolutions arabes, la contre-révolution a-t-elle triomphé dans les discours officiels ?
Il y a aujourd’hui une réelle bataille historiographique. Les néoautoritaires du monde arabe ont compris qu’il y avait un enjeu à réécrire ce qui s’est passé en 2011, pour neutraliser le potentiel subversif de cet événement historique. La révolution a été l’expression d’une souveraineté populaire qui, jusque-là, avait été réduite au silence et qui se donne les moyens de changer le régime. Cet imaginaire perdure, mais en même temps un contre-récit se met en place. Celui-ci est très présent en Egypte, mais aussi en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis. Ce contre-récit affirme que non, 2011 n’est pas une révolution, mais un complot dont les instruments sont les Frères musulmans et l’islam politique.
Comment ce complot s’articulerait-il ?
Il aurait été fomenté par une coalition d’acteurs à géométrie variable, selon ceux qui l’expriment. Mais comme pour toutes les théories du complot qui ont cours au Moyen-Orient, on retrouve à peu près les mêmes : les Occidentaux, avec cette idée qu’Obama était plus ou moins un Frère musulman et que donc ce sont les Américains qui ont amené les Frères musulmans au pouvoir. L’Iran n’est jamais très