Le 15 janvier est désormais la date des morts suspectes au Kosovo. L’ancien officier de police Fadil Syleviqi a été retrouvé mort vendredi dernier, à proximité du lac Badovc, près de la capitale Pristina. C’est-à-dire un an jour pour jour après l’annonce d’un autre décès, celui de Nazmi Rrustemi, dont le corps avait été retrouvé sans vie à côté du même lac.
Fadil Syleviqi, d’origine albanaise, a fait partie des forces de police contrôlées par la Serbie avant la guerre d’indépendance du Kosovo en 1999. Après le conflit, il a intégré la nouvelle police du Kosovo. En 2015, il avait été accusé par une chaîne de télévision d’avoir participé à l’arrestation du médecin d’origine albanaise Hafir Shala, qui n’a jamais été retrouvé.
Crimes de guerre sous le tapis
Les points communs entre les deux hommes retrouvés morts près du lac de Badovc interrogent. Si l’assassinat de Rrustemi était d’abord passé pour un crime crapuleux, sa veuve a ensuite révélé que son mari était un témoin «protégé» du procureur spécial des chambres spéciales pour le Kosovo (CSK).
Cette institution judiciaire kosovare dont le fonctionnement est institutionnalisé à La Haye aux Pays-Bas -avec des juges internationaux- est chargée de s’attaquer à l’impunité des vainqueurs de la guerre de 1999, dont fait partie l’UCK, guérilla albanaise de l’ancien président du Kosovo Hashim Thaçi.
Rrustemi intéressait la justice car il avait été emprisonné dans les camps des indépendantistes de l’UCK, pendant la guerre du Kosovo. Les chambres spéciales enquêtent sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été perpétrés par Hashim Thaçi et ses camarades dans ces centres de détention.
Or, Syleviqi est lui aussi passé entre les mains de l’UCK pendant la guerre du Kosovo. Comme le racontait l’ancien commandant de la guérilla Rrustem Mustafa sur un plateau de télévision en 2019, «nous savons tous que Syleviqi était un membre de la Sécurité d’État serbe. Je l’ai détenu», justifiait celui qui a été condamné en 2013 pour des crimes de guerre commis dans un centre de détention de l’UCK.
La protection des témoins
Les deux hommes avaient été ciblés à plusieurs reprises avant leur mort. La voiture de Rrustemi avait été incendiée en 2017 et Syleviqi avait été blessé en 2003 dans une attaque contre son véhicule. Un passager présent à ses côtés lors de l’accident n’avait pas survécu.
Ce nouveau mort suspect intervient un mois après que l’ancien président du Kosovo, Hashim Thaçi a déclaré plaider non coupable lors de son procès devant le tribunal spécial de La Haye, où il est incarcéré préventivement. Il est inculpé pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, pour des actes qui se seraient déroulés pendant la guerre du Kosovo. En mettant en place les CSK, l’Union européenne, son principal soutien financier, tente de réussir là où le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) avait échoué, en protégeant mieux les témoins.