La géographe Anne-Laure Amilhat Szary, professeure à l'université Grenoble-Alpes et directrice du laboratoire Pacte, détaille les conséquences du mouvement généralisé de fermeture des frontières. Elle a publié l'an passé Géopolitique des frontières. Découper la terre, imposer une vision du monde (1).
Le mouvement de fermeture des frontières revêt-il une signification particulière dans une Europe dont la libre circulation est un principe fondateur ?
La fermeture assez stricte des frontières intérieures de l’UE s’inscrit dans un esprit contraire à celui de la construction européenne. C’est une forme de retour en arrière, vers une époque où le franchissement des frontières était plus contrôlé, mais aussi un échec de la politique communautaire. Les conditions d’entrées sur le territoire sont très différenciées. On a du mal aujourd’hui à considérer l’Europe comme un tout cohérent. Selon les Etats, la frontière peut être ouverte dans un sens et fermée dans l’autre. Par exemple, au printemps, on pouvait entrer en Italie depuis la France, mais pas venir en France depuis l’Italie. Cette asymétrie traduit un rapport de force, plutôt qu’un fonctionnement commun. Et aux frontières extérieures de l’Union, la fermeture a entraîné la suspension de l’exercice du droit d’asile pour la première fois depuis son invention en 1951.
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Ces fermetures ne sont-elles qu’un accroc temporaire à la libre circulation ou risquent-elles de s’inscrire dans la durée ?
La réintroduction de contrôles partiels aux frontières en 2015, dans le double contexte des attentats et de la vague mi