L’interdiction de l’avortement est désormais presque absolue au Honduras. Le parlement à majorité conservatrice a approuvé en fin de semaine dernière une réforme constitutionnelle qui durcit encore sa législation, connue pour être l’une des plus strictes au monde. L’IVG y est criminalisée y compris en cas de viol ou d’inceste, de malformation grave du fœtus, et même quand la vie de la mère est en danger. Le code pénal prévoit des peines allant jusqu’à six ans de prison pour les femmes qui se font avorter tout comme pour les médecins qui les pratiquent. Cinq autres pays de la région l’interdisent en toutes circonstances : le Salvador, le Nicaragua, la République dominicaine, Haïti et le Suriname.
Si certaines féministes espéraient que la légalisation de l'avortement fin décembre en Argentine insuffle une nouvelle dynamique de dépénalisation sur le continent, le Honduras, sur proposition du député du Parti national (au pouvoir) Mario Pérez, a préféré prendre le chemin inverse. L'article 67 de la Constitution révisée précise désormais que toute interruption de grossesse «par la mère ou par un tiers» est «interdite et illégale», mais surtout que cette clause «ne pourra être réformée que par une majorité des trois quarts des membres du Parlement».
Si l'avortement est interdit dans ce pays par la Constitution depuis 1982, pour la députée d'opposition Doris Gutiérrez, «ce qu'ils ont fait, c'est graver cet article dans le marbre parce qu'on ne pourra jamais le réformer s'il faut 96 voix» sur les 128 que compte le Parlement, rapporte l'AFP.
Le message sur le sol, écrit lundi à Tegucigalpa, la capitale hondurienne, réclame le droit à un «avortement sûr, légal et gratuit».
Photo Fredy Rodriguez. Reuters
«Bâillon juridique»
La réforme doit toutefois encore être ratifiée par au moins 86 parlementaires de la prochaine législature, dont l'élection est prévue en novembre, selon le Monde. Dénonçant un «bâillon juridique», le Mouvement des femmes pour la paix Visitación-Padilla a exhorté dans un communiqué à «ne pas voter» à ces élections générales pour les députés ayant soutenu ce décret, des «ennemis» qui «nous trahissent, nous assassinent et nous criminalisent».
Des centaines de Honduriennes ont manifesté lundi à Tegucigalpa, la capitale, contre cette nouvelle atteinte à leurs droits. Une date symbolique dans le pays : jour de la célébration de la Journée de la femme et de l'anniversaire du droit de vote pour les femmes, obtenu en 1955. Les organisations de défense des droits des femmes ont réclamé l'abolition de l'interdiction de «l'avortement thérapeutique». Les députés «se moquent bien si nous avons été violées, si nous mourons ou si nous restons seules en charge d'un enfant en état végétatif ou s'il est mort-né», ont-elles dénoncé dans un communiqué de presse.
Plus de 50 000 avortements par an
De nombreuses organisations nationales et internationales ont également exprimé leurs inquiétudes face à ce nouveau verrou constitutionnel. Les experts des droits de l'homme à l'ONU ont condamné un texte «alarmant» qui «incorporerait l'interdiction absolue de l'avortement, une attaque contre les droits fondamentaux des femmes». Ils soulignent également : «Les lois restrictives sur l'avortement augmentent les taux de mortalité et de morbidité maternelles en raison des avortements à risque et ne sont pas efficaces pour réduire le taux d'avortement.» Le nombre d'avortements à risque au Honduras s'élèverait, selon eux, entre 51 000 et 82 000 par an.
Le pays a également le deuxième taux le plus élevé de grossesses chez les adolescentes (30%) parmi les pays d'Amérique latine et centrale et dans les zones rurales. «De nombreuses grossesses sont le produit de viol et d'inceste dans un pays où même la contraception d'urgence est refusée», alertent les experts de l'ONU. La loi actuellement en vigueur interdit en effet l'utilisation, la vente, la distribution et l'achat de contraceptifs d'urgence. Les peines de prison encourues sont les mêmes que pour l'avortement. L'ONU rappelle que selon les normes internationales, «l'accès à des services d'avortement sûrs et légaux devrait être garanti, au moins en cas de viol ou d'inceste, lorsque la vie ou la santé des femmes enceintes est en danger et en cas de malformation fœtale grave».
Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International, a déclaré que la réforme était une «violation des droits humains», en particulier des «droits sexuels et reproductifs». Cette réforme constitutionnelle entérine de la même façon l’interdiction du mariage homosexuel, déjà prohibé dans le pays, une interdiction qui ne pourra être levée là aussi que «par une majorité des trois quarts des membres du Parlement».