Démissions, difficultés de recrutement, télétravail, quête de sens... Comment réenchanter le travail ? Libération organise, en partenariat avec Solutions Solidaires, un forum live le 18 octobre prochain, en direct du journal.
«Je ne savais pas comment placer mes mains et mes pieds pendant l’entretien. Je n’arrivais pas à formuler ce que je pouvais apporter à la compagnie aérienne pour laquelle je postulais. Et puis, c’est bête, mais j’ai des sourcils épais, je pensais que cela me donnait un air méchant. Ils ont balayé tout cela en m’expliquant que mon sourire l’emportait sur tout, que l’on se sentait à l’aise avec moi. Ils m’ont donné confiance en moi», raconte Simon Nguyen, qui rêve de devenir steward.
L’homme de 22 ans, après avoir alterné études post-bac avortées et petits boulots sur fond de Covid-19, a bénéficié cet été d’un «atelier coup de pouce» organisé par la Cravate solidaire à Paris. Fort de cette expérience et d’une attestation obtenue pour devenir membre d’équipage de cabine, il a candidaté depuis auprès d’une compagnie aérienne et se sent bien armé pour un entretien. «L’atelier coup de pouce, c’est le cœur de notre activité, explique le directeur et cofondateur de l’association, Nicolas Graziel. Pendant deux à trois heures, nos bénévoles experts en recrutement préparent les candidats à passer un entretien d’embauche pour un stage, une alternance ou un emploi. On les aide d’abord à choisir une tenue adaptée parmi notre vestiaire de costumes collectés auprès d’entreprises, tenue qu’ils conserveront. On leur donne ensuite les codes verbaux et non-verbaux pour ce type de rendez-vous. Un exemple : dans certaines cultures, regarder une personne plus âgée dans les yeux est incorrect. Nous expliquons qu’il ne faut pas procéder ainsi pendant l’entretien. Enfin, les ateliers permettent aux candidats de réaliser une photo professionnelle pour leur CV.»
Au départ, une démarche centrée sur les habits. En 2012, trois copains étudiants en école de commerce décident de fournir des costards cravate pour passer un entretien à ceux qui n’en ont pas. L’association commence par collecter des costumes auprès d’entreprises qui sollicitent leurs collaborateurs. Certains, sensibilisés à l’action de l’association, s’engagent comme bénévoles… Aujourd’hui, la Cravate solidaire récupère près de 60 tonnes de vêtement par an. «Au-delà de la collecte, nous nouons des partenariats avec des sociétés comme Nexity France, EDF ou la BNP. Chanel par exemple nous fournit une aide au tri, à la logistique et à l’aménagement de nos dressings», détaille Nicolas Graziel. Avis aux acteurs du textile, après l’entrée en vigueur en janvier de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, la Cravate solidaire espère désormais récupérer les invendus vestimentaires pour les redistribuer.
«Confiance et estime de soi»
Désormais, l’association accompagne chaque année quelque 6 000 personnes sur quinze bassins d’emplois en France. Le profil des participants aux ateliers ? En région parisienne, qui représente un tiers de l’activité, des personnes avec des revenus mensuels inférieurs à 1 000 euros, plutôt des non-diplômés, des jeunes de 18 et 25 ans, et de plus en plus de réfugiés. Des personnes souffrant de discrimination également : «L’association souhaite agir auprès des candidats mais aussi des recruteurs. Pour ces derniers, nous avons lancé une journée de formation à la non-discrimination», indique Nicolas Graziel. Les 1 500 bénévoles de l’association qui assurent le coaching des «ateliers coup de pouce», en grande partie eux-mêmes recruteurs, bénéficient également de cette sensibilisation.
Et la réussite aux entretiens ? Depuis sa création, l’association constate que 65% des personnes accompagnées ont réussi leur entretien «mais nous arrivons en fin du parcours d’embauche et ce serait malhonnête de nous approprier ce succès», tempère Nicolas Graziel. D’ailleurs ce n’est pas la réussite à l’entretien que nous visons absolument, c’est la confiance et l’estime de soi. Nous voulons changer le regard que les candidats ont sur eux-mêmes».