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Libération
Interview

Alfonso Femia: «Une responsabilité urbaine et sociale au sein de la ville»

La villa créativedossier
Le 12 juillet sera posée la première pierre de la Villa créative, nouveau site hybride de formation, de création et de recherche qui ouvrira ses portes en 2023. Rencontre avec l’architecte qui rénove le bâtiment.
Projet présenté par les ateliers Alfonso Femia. (Ateliers Alfonso Femia )
par Samantha Rouchard, correspondance à Marseille
publié le 7 juillet 2022 à 21h07

En partenariat avec le Festival d’Avignon et Avignon Université, l’Afdas organisera le 12 juillet le premier Forum de l’inclusion économique dans la culture et les industries créatives. Libération, partenaire de l’événement, publiera sur son site tribunes, reportages et enquêtes sur le sujet.

Le projet de l’architecte italien Alfonso Femia a été retenu pour transformer l’ancienne fac de sciences d’Avignon en «Villa Créative». Un projet voulu dans le respect du bâti existant, ouvert sur la ville et généreux. Un concept cher à l’architecte.

Votre projet a-t-il été retenu. Qu’est-ce qui a plu ?

Ce qui a plu dans le projet, c’est notre expérience en matière de mise en valeur du patrimoine existant et de respect du bâti. Il ne s’agit pas seulement de créer du fonctionnel mais aussi d’envisager le temps comme matière du projet, tant au niveau social qu’architectural. C’est-à-dire mettre en scène la matière qu’est le temps avec l’exigence d’y introduire des actions contemporaines, créer un dialogue entre les deux. L’architecture doit être une forme d’éducation à la réalité qui doit toucher la sensibilité de tous les acteurs du lieu, du plus humble au plus opulent. Notre projet a aussi une responsabilité urbaine et sociale au sein de la ville. Notre devoir, ce n’est pas seulement de faire fonctionner un bâtiment, de le rouvrir et de le restaurer, mais c’est surtout de faire en sorte qu’il devienne un autre élément de relation à la ville. Les espaces extérieurs, et les rez-de-chaussée doivent être pensés comme des lieux poreux et conviviaux. De telle manière qu’aux endroits où se déroulent les échanges et les rencontres, le projet soit généreux.

Travailler sur du bâti existant est-il plus contraignant ? Est-ce un défi particulier ?

C’est compliqué, mais c’est ce qu’il y a de plus intéressant. Désormais nous sommes devenus une société de règles et de codes, et lorsque l’on réalise un lieu de zéro, il est difficile d’être innovant. Alors que travailler avec l’existant est autrement plus créatif. On compose avec des espaces qui ont été développés pour une fonction précise, avec des hauteurs de plafonds par exemple qui seraient impossibles aujourd’hui au regard des normes. Ça oblige à la patience et à un engagement de toute la filière du projet, car dans un timing donné on doit savoir prendre le temps de découvrir et d’apprivoiser le bâti. C’est une autre approche architecturale. Et quand on touche au but, on doit avoir l’impression que la nouvelle action qui intègre le lieu ne doit pas seulement être acceptée mais absorbée par le bâti. Il faut partir de l’idée que l’existant est un corps vivant, pas un corps mort sur lequel nous pouvons faire n’importe quoi.

Avignon est une ville de culture et de théâtre, jusqu’à quel point cette particularité se ressent dans votre projet ?

Quand on arrive sur le site, le bâtiment n’est pas en première ligne, ce qui nous a touchés au premier abord, c’est le jardin, la relation avec l’extérieur. Cela pose immédiatement la question de la relation avec le public de la rue. A travers les grilles, le passant perçoit qu’il existe un monde derrière. Il y a déjà là un séquençage dans la narration. Avignon est une ville à dimension humaine avec des pierres de qualité, une ville d’échanges culturels aussi. Ce sont des éléments qui nous ont touchés. La question de la mise en scène architecturale fait déjà partie de notre approche. C’est vrai que si la façade et le jardin se veulent généreux, l’intérieur est plus exigu, avec des petites portes dérobées. Il y a déjà là comme une sorte de magie, de secret du lieu. On retrouve aussi ça, ailleurs, dans d’autres bâtiments du cœur de ville. Nous, nous avons surtout cherché à rendre le lieu encore plus généreux que ce qu’il est déjà. Car nous pensons que les villes doivent être plus généreuses (1) dans ce qu’elles ont à offrir, c’est une des responsabilités de l’architecte. Mais c’est aussi un appel au politique, et à la société civile qui doit exiger une ville généreuse, c’est-à-dire un lieu paisible, une ville des échanges, une ville sociale avec un développement économique mixte. C’est-à-dire un lieu qui appartient à toutes celles et ceux qui la traversent. Une ville généreuse c’est une réponse qui se construit dans le présent et se transmet aux générations futures.

(1) I’m an architect. Alfonso Femia Architecture et générosité, de Paul Ardenne. éd. Archives d’Architecture Moderne.