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Libération
«Au Bonheur des Mômes»: Rencontre

«Toujours les mêmes sourires, la même envie»

Festival Au Bonheur des Mômesdossier
Bénévole depuis la création du festival, Jerôme Mabut est président du théâtre de la Toupine.
Au festival «Au Bonheur des Mômes» du Grand-Bornand. (G. Piel - Le Grand-Bornand)
publié le 4 juillet 2022 à 7h47
(mis à jour le 6 juillet 2022 à 10h53)
Le festival «Au Bonheur des Mômes» du Grand-Bornand fêtera du 21 au 26 août son trentième anniversaire. Partenaire de l’événement mêlant écologie, culture et engagement citoyen, Libération publiera tout l’été articles, interviews et tribunes sur les thématiques phares du rendez-vous savoyard.

Il fait partie d’un des plus anciens bénévoles. Jérôme Mabut est président du théâtre de la Toupine, au Grand-Bornand (Haute-Savoie). En 1994, sa compagnie était à Avignon, quand Alain Benzoni, le directeur du festival actuel lui a dit qu’il souhaitait monter «une petite kermesse au grand Bo, se souvient en souriant Jérôme Mabut– au Bonheur des Mômes réunit désormais quelque 90 000 personnes chaque année. J’ai alors embarqué ma famille, la mère de mes enfants, mes filles… Et c’est devenu un événement incontournable. Je pose tous les ans une semaine de vacances pour être bénévole. C’est un vrai plaisir de rencontrer les artistes, d’être dans le lien, avec les compagnies, les spectateurs. Ce partage a nourri ma vie».

Jérôme Mabut exerce comme éducateur spécialisé, travaille avec des personnes en polyhandicap, fait de «l’inclusion». Il accomplit ses performances le soir de l’inauguration en créant une œuvre avec des enfants. «J’ai fait venir des compagnies de théâtre de rue, explique-t-il. On a monté un festival sur ces différences qui nous rassemblent, autour de l’échange et de la rencontre».

«15 000 festivaliers par jour»

Jérôme Mabut évoque le festival comme un précurseur qui a permis d’importer «la culture dans l’agriculture», avec toutefois un premier essai «un peu trop rock and roll», qui a dû faire ensuite quelques ajustements. Avec une volonté de «rester dans quelque chose d’humain». Ne pas aller trop loin. Garder un côté familial.

«Il y a deux mille habitants et deux mille vaches dans le pays du reblochon. On fait venir 15 000 festivaliers par jour, détaille le metteur en scène. Je m’occupe de l’accueil en salle. On est au contact direct des gens. Ils ont du plaisir à venir voir un spectacle de qualité, parmi ce qui se fait de mieux en Europe pour les enfants. Il y a toujours cette envie d’aller chercher des choses nouvelles qu’on a envie de partager, en venant bousculer aussi. Car il y a des spectacles qui dérangent et interrogent».

Cette année, le festival célèbre ses trente ans, avec en filigrane cette culture-là de la transmission. «On n’est pas dans la consommation de spectacles mais dans le partage, souligne Jérôme Mabut. Il y a des réactions plus ou moins vives. L’idée de nourrir les gens, qu’il n’y ait pas que les écrans, que le spectacle vivant ait encore tout son sens, fait partie de notre démarche. Se déplacer, aller dans une salle, permettre un contact où tout le monde peut croiser tout le monde. Ce n’est pas élitiste, mais familial, et dans le partage. On ne prend pas les enfants pour des «porte-monnaie à pattes». On garde une qualité de spectacles proposés avec des gens connus… ou pas du tout».

«Théâtre rentre-dedans»

Il poursuit : le théâtre de rue, dans les montagnes, en 1992 cela n’existait nulle part, surtout pas ce «théâtre rentre-dedans», qui «dérange» et a explosé, fin 90 selon le metteur en scène. Pour lui, on avait «un peu trop d’avance, cela s’est recalé après». Il n’y avait pas cette volonté de «grossir à tout prix». «Plus on progresse, plus on est dans le détail. On ne perd pas son âme», résume-t-il.

Depuis quelques années, l’aspect financier a pris toute son importance. Mais dans la philosophie, «on poursuit le chemin tracé en gardant cette âme-là. C’est compliqué pour tout le monde, on a envie que cela continue, on répète cette antienne : «quoi qu’il arrive ça joue !»». Et Jérôme Mabut de conclure : «C’est une belle vision qu’on peut donner au public et aux enfants. Je vois de plus en plus de grands-parents avec leurs petits-enfants, mais toujours les mêmes sourires, la même envie, un vrai plaisir à être là».