Auguste Forestier avait une fascination pour les trains. Ce fils d’agriculteurs de Naussac en Lozère montait à bord sans billet et partait pour Toulouse, Clermont ou Nevers, juste pour le plaisir de circuler en chemin de fer. A chaque virée, l’adolescent fugueur était arrêté et reconduit dans sa famille. Mais un jour de 1914, il provoque le déraillement d’un convoi après avoir accumulé des pierres sur les rails. «Je voulais le voir écraser les cailloux, déclara-t-il à la police, mais je ne croyais pas que mon acte pût faire dérailler le train.» D’abord placé en prison à Mende, il est interné définitivement à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban-sur-Limagnole où il avait déjà fait un long séjour. Il a 27 ans.
Monstres
A Saint-Alban, Forestier effectue des travaux de manutention, travaille à la cuisine de l’hôpital et à la livraison de pain. Pendant son temps libre, il dessine des bustes, sculpte des os de boucherie récupérés dans les cuisines et fabrique des médailles. Ses premiers dessins au crayon de couleur représentent des faits divers et des évènements historiques. Entre 1914 et 1923, Auguste Forestier s’enfuit cinq fois avant de transformer son besoin de voyager en une passion pour sa fabrique d’objets. «Je n’ai rien à réclamer, dit-il en 1927, je comprends que je suis ici pour toujours et autant vaut-il que j’y finisse mes jours.» Vers 1930, on lui aménage un petit atelier dans un couloir qui relie l’arrière-cuisine à une cour intérieure. Parfois, i