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Immobilier

Construire des appartements dans des parkings rangés des voitures

Transition écologique : le temps des villes et des territoiresdossier
A Paris, plusieurs projets récents ont permis de reconvertir d’anciens garages et parkings en logements sociaux. Une solution plus coûteuse qu’une démolition, mais plus écolo, et plus avantageuse pour la superficie.
Ancien parking transformé en logements, rue du Faubourg-Poissonnière à Paris. (David Boureau)
publié le 26 septembre 2022 à 23h34

Alors que la voiture est de moins en moins la bienvenue dans les villes, les parkings silos (à étages) retrouvent une vie et un usage en devenant… des appartements. A Paris, l’un d’eux, construit en 1926 et encastré entre deux immeubles haussmanniens situés rue du Faubourg Poissonnière, a été réhabilité par l’architecte Laurent Niget qui y a créé 34 logements sociaux dont 10 dans le parking. Son agence a gagné le concours du bailleur social Elogie-Siemp en proposant de conserver ce vieux parking en fond de cour et de le réhabiliter.

Un chantier plus compliqué qu’une destruction-reconstruction, mais qui a ses avantages. «Il aurait été plus facile de mettre un coup de bulldozer et de repartir à zéro. Mais le droit à construire aurait été moindre que le volume acquis, avec une perte de 30 % de capacité», explique l’architecte, passé par l’agence de Jean Nouvel. Résultat : des appartements atypiques, plus grands et plus hauts de plafond que la norme. «Alors que le seuil de motorisation des Parisiens décroît et que le foncier est de plus en plus rare, on s’aperçoit qu’il existe des parkings où les bagnoles ont vue sur la Tour Eiffel !», s’enthousiasme Laurent Niget.

Héritage de l’époque révolue de la voiture reine, les 135 parkings parisiens recensés en 2018 par le Pavillon de l’Arsenal lors de l’exposition «Immeubles pour automobiles» sont une ressource foncière non négligeable et encore peu valorisée. Sans compter les concessions autos qui quittent la capitale devenue trop chère. Laurent Niget évoque ainsi deux concours d’architectes ouverts par la Régie immobilière de la ville de Paris et Seqens (filiale immobilière d’Action Logement) pour deux anciens garages, Renault à Nation et Citroën à République. Ce chantier atypique est-il plus onéreux ? Oui selon l’architecte, mais le surcoût est compensé par les 3 logements supplémentaires par rapport à un immeuble neuf. «Il n’y a pas de logique de modèle, c’est du cas par cas», précise-t-il.

S’abstenir de casser, c’est aussi réduire les nuisances sonores (moins de grues) et la pollution (moins de terrassement). Un argument en faveur de la réhabilitation, activité longtemps méprisée par les archis mais devenue un must pour une nouvelle génération soucieuse de limiter la pollution des chantiers. Une tendance illustrée par le prix Pritzker 2021 attribué à l’agence Lacaton & Vassal, qui a mis la réhabilitation de l’existant au cœur de sa démarche. Conserver l’existant, c’est aussi le choix du bailleur Paris Habitat rue Petit dans le XIXe arrondissement, avec le garage Renault en cœur d’îlot de six niveaux et deux sous-sols, un projet conçu par les agences archi5 et Encore Heureux. «L’insertion des logements dans la structure originelle du parking nous permet de diminuer les coûts de construction, de réduire au maximum les nuisances de démolition pour les riverains et surtout d’éviter la mise au rebut de 10 000 tonnes de déchets non nécessaires», confirme l’agence Encore Heureux. Conclusion de Laurent Niget : «Le potentiel de ces structures est énorme. Et en plus, elles permettent de révéler des qualités architecturales qui ont de la gueule.» Libération, qui a longtemps eu ses locaux dans un ancien parking, peut en témoigner.