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Festival des solutions écologiques: initiatives

En Bourgogne-Franche-Comté, des projets à la loupe

Festival des solutions écologiquesdossier
Parmi les quelque 200 initiatives retenues par la région qui bénéficieront de subventions, présentation de cinq idées citoyennes en faveur de l’environnement.
(Theophile Sutter/Liberation)
publié le 26 septembre 2022 à 0h29
Porter des initiatives écologiques pour vivre mieux en meilleure intelligence avec l’environnement : tel est le but de ce nouveau Festival des solutions écologiques organisé par la région Bourgogne-Franche-Comté. Quelque 300 projets ont été présentés à un jury composé d’élus, de France Active Franche-Comté, de l’Agence régionale de la biodiversité et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie et, le 17 juin, 207 d’entre eux ont été retenus et bénéficieront de subventions.

Les idées sélectionnées ne manquent pas de jugeote : construction de cabanes pour observer les oiseaux, mise en valeur d’une source, installation de dispositifs pour permettre aux chauves-souris de nicher dans les granges, lien social dans les villages en permettant aux habitants de cultiver leur potager, création de mares – essentielles pour la biodiversité – aux abords des exploitations agricoles… Exemples.

Restauration de granges pour la protection des chauves-souris

On n’imagine pas forcément héberger chez soi des chauves-souris avec plaisir… Et pourtant, ces créatures sont essentielles. «C’est une aide pour l’agriculture. Elles mangent les moustiques, les insectes parasites. Plus de chauve-souris, c’est moins de pesticides, il y a tout un biotope sauvage dans une ferme qui participe au progrès agricole», explique la secrétaire de l’association de la sauvegarde de Dumphlun (1), Caroline Guény-Mentré. L’initiative vise à l’installation dans d’anciennes granges de dispositifs pour encourager les chiroptères (animaux protégés) à nicher en toute tranquillité. Trois grandes granges, en état de péril, ont été restaurées par des artisans couvreurs et des charpentiers. «On encourage cette biodiversité. On fait partie de la société du muséum d’histoire naturelle d’Autun, observatoire de la petite faune en Bourgogne. On travaille avec un spécialiste de cette question», complète Caroline Guény-Mentré. Concrètement, il s’agit d’ouvertures pratiquées dans la pente des toits, cinq de chaque côté comme des fentes de boîtes aux lettres. Seules les chauves-souris peuvent entrer : l’accès est impossible pour les chouettes, leurs ennemis jurés. Le budget de l’opération est évalué à 5 000 euros, la région Bourgogne prenant la moitié de la somme en charge. Un architecte du patrimoine a réalisé les ouvertures.

En Haute-Saône, faciliter la production potagère

Jocelyn Chenevier est maire de Sauvigney-lès-Gray dans le département de la Haute-Saône. En discutant avec Cécile Thabourey, sa première adjointe, l’idée lui est venue de proposer un service aux habitants pour faciliter la production potagère. «Produire les semences des graines, rationaliser leurs comportements face à la nature. Tout le monde a un jardin, peu ont une serre», explique le maire. Une serre en verre coûte cher. Le conseil municipal sèmera les fleurs du village. L’inauguration aura lieu le 1er octobre. «On est un village de cent personnes, ouvert aux gens autour. Il y a un côté social dans ce projet. Le lavoir, autrefois, réunissait les habitants. Désormais, on a tous une machine à laver et on ne discute plus. Il fallait recréer du lien.»

Le projet, une serre en verre de qualité professionnelle, de trente mètres carrés, avec toutes ses options (comme un bac de rétention d’eau) sera mis à la disponibilité des villageois. Les usagers pourront venir faire pousser leur semis qu’ils repiqueront ensuite. «C’est un peu un saut dans le vide, admet le maire. Il n’y a pas d’exemple similaire dans le département. Les gens à qui on l’explique disent “on viendra”, alors on verra.» Et Jocelyn Chenevier de poursuivre : «Au village, il n’y a plus de boulangerie ou de commerces. Il n’y a plus rien. La commune est composée d’anciennes familles, mais depuis quinze ans arrivent des plus jeunes qui achètent une maison et font des enfants. C’est l’occasion de sortir de ses certitudes sur le campagnard, le rural et le citadin. Il s’agit d’un échange entre particuliers, un service public d’un genre nouveau, quelque chose qui est en train de s’inventer.»

Une brasserie qui fonctionne à l’énergie solaire

Romain Zamboni est ingénieur en conception mécanique. Et il aime la bière… Il a donc décidé de lancer une microbrasserie solaire, à Dampierre-les-Bois, commune proche de Montbéliard (Doubs). «On récupère la chaleur comme un four ou un chauffe-eau, et c’est accessible en termes de technologie. La bière est un produit passion pour moi. On a commencé à en faire avec mon frère. Je veux démocratiser cette industrie. C’est un projet vitrine qui rassemble.»

La technologie ? «On a besoin de faire bouillir le moût qui va devenir de la bière. On va donc utiliser des panneaux solaires puis stocker l’eau chaude dans un cumulus. Pour la partie ébullition, on va utiliser un concentrateur qui capte les rayons du soleil [comme une loupe avec un rayon de soleil, ndlr]. Le brassage se fait un ou deux jours par semaine.» Au final, l’activité s’adapte bien à l’énergie énergie solaire. «L’objectif est de prouver qu’on peut utiliser l’énergie solaire en dehors des régions du sud. Un boulanger cuit son pain au solaire en Normandie par exemple.» «La plupart du temps le projet est assez bien reçu. Ce sont des technologies peu connues, il y a un aspect pédagogique essentiel», conclut Romain Zamboni qui espère démarrer l’activité à la fin de l’automne.

Refaire des mares

Ils sont naturalistes et passent leur temps à creuser des mares dans le département de l’Ain. Vincent Dams est chargé de mission et animateur nature, Willie Guillet, membre de Jura nature environnement. Ils ont pris langue avec des agriculteurs pour restaurer deux ou trois mares, et constituer tout un réseau. Ils en comptent environ 70, de toutes dimensions et dans tous les environnements, sans que cela ne fasse perdre de terrain agricole. «A la campagne, le premier enjeu des mares était d’abreuver les bovins ou de constituer une réserve d’incendie, explique Vincent Dams. Au siècle dernier, elles étaient indispensables. Aujourd’hui, à cause des moustiques, elles ont disparu. Les amphibiens et les libellules sont partis avec elles. Les agriculteurs ont eu un coup de cœur pour ce projet et nous permettent de les restaurer. C’est un patrimoine qu’il faut perpétuer, permettant la préservation de zones humides. Cela permet de garder l’eau et de la restituer dans les nappes, de faire en sorte que les prairies restent vertes. Il y a un côté affectif qui est important. Il faut toucher les gens.»

Dans ce dossier, le monde agricole, celui de la chasse et les tenants de la protection de la nature – qui connaissent «beaucoup de divergences», admet Vincent Dams –, peuvent se rencontrer. «C’est un exemple fort de ce qu’on peut faire au niveau local. On est tous héritiers d’un patrimoine, à nous de le perpétuer.»

Les fleurs locales à l’honneur

Elle a monté Calice & cie et son projet s’intitule «Slow Flower». Camille Barnier est une fleuriste écoresponsable située à Beaune (Côte-d’Or). Son idée : valoriser les fleurs locales et sensibiliser les citoyens aux pratiques respectueuses de l’environnement. «Slow Flower, c’est comme Slow Food… Les gens ne connaissent pas la saisonnalité des fleurs. Neuf sur dix viennent de l’étranger… Alors, on leur propose un bouquet chaque semaine avec les fleurs du moment.»

Camille n’a eu que de «très bons échos» de son initiative. «Dès qu’on explique la démarche autour des fleurs françaises produites localement, c’est facile, dit-elle. C’est aussi un gage de fraîcheur et de qualité. Et on est dans un concept qui est dans l’air du temps», poursuit la jeune femme qui n’a pas de boutique, travaille sur abonnements ou commandes, et compte vendre ses bouquets sur les marchés ou faire les livraisons à vélo. «Le réflexe commence à être pris pour les fruits et légumes. Il faut faire pareil pour les fleurs. On n’affiche pas leur origine alors que les roses viennent du bout du monde, ont voyagé par avion, ont été produites avec des substances chimiques interdites en Europe et sont pleines de produits de conservation pour pouvoir tenir une fois coupées.» Dernier volet : lancer des ateliers dans des classes à Beaune pour sensibiliser les enfants.

(1) Dans le département de la Nièvre. Dans ce village se trouvent un château et une ferme classés monuments historiques qui ont fait l’objet d’une restauration avec le concours de la mission Bern.