Emmanuel Macron est réélu ; on ne démontera pas toutes les éoliennes. Bien au contraire, il est prévu de doubler le nombre de rotors terrestres (actuellement 8 500) d’ici 2028, et d’implanter dix nouvelles centrales éoliennes en mer. Cet effort participe à la nécessaire transition énergétique, mais il est essentiel de comprendre les effets de ces nouvelles infrastructures sur la biodiversité.
Des études d’impact environnemental sont associées à chaque nouveau projet éolien, notamment afin d’évaluer les risques de collision avec les oiseaux. Ces études sont par essence locales, au mieux régionales, et on peut s’interroger sur les impacts cumulés de toutes les centrales éoliennes, à l’échelle de l’Europe de l’Ouest. Cette lacune est partiellement comblée grâce à une étude récente (1), menée par Jehro Gauld et Aldina Franco de l’université de East Anglia au Royaume-Uni, associés à 37 autres structures de recherche européennes.
Risques de collision
Les chercheurs ont mis à profit les suivis par balises GPS miniaturisées des déplacements de 1 454 oiseaux appartenant à 65 espèces, sur une zone allant du sud de la Scandinavie à la Mauritanie et à la vallée du Nil. Les balises ont fourni non seulement les positions des oiseaux, mais aussi une estimation de leurs hauteurs de vol par rapport aux pales des éoliennes. Sur la base de ces informations et des techniques de vol de chaque espèce, les chercheurs ont estimé les risques de collision avec les éoliennes existantes, ainsi qu’avec les lignes électriques. En effet, le réseau sera étendu en parallèle du développement des énergies renouvelables.
Leurs analyses livrent une cartographie fascinante de voyages au long cours, de flux de millions d’oiseaux traversant l’Europe de l’Ouest jusqu’en Afrique. Elles identifient des points chauds majeurs du risque de collision, comme la vallée du Rhône et le littoral méditerranéen en France. En Europe, notre pays fait partie, avec l’Allemagne et l’Espagne, des territoires nationaux présentant le plus de zones à risque. De manière essentielle, l’étude souligne que ces menaces sont principalement dues aux collisions avec les lignes électriques, notamment pour des espèces de grande taille moins manœuvrables tels le hibou grand-duc, le cygne tuberculé ou la grue cendrée.
«Développement anarchique des énergies renouvelables»
Comme l’admettent les auteurs, les suivis GPS actuels, même s’ils sont impressionnants, ne couvrent que 18 % de la zone d’étude ; ils devront être complétés, notamment dans des zones primordiales pour les oiseaux migrateurs, comme le nord de la France ou la côte méditerranéenne de l’Afrique. De plus, ces suivis ne concernent que les oiseaux assez grands pour porter une balise GPS, et omettent donc les passereaux, eux aussi migrateurs au long cours. Finalement, l’étude présentée n’inclut que des espèces terrestres, alors que les oiseaux marins sont susceptibles de croiser des éoliennes le long des côtes, et jusqu’au milieu de la mer du Nord.
Pour Olivier Duriez, ornithologue à l’université de Montpellier et coauteur de cette étude, «résoudre la crise climatique via le développement anarchique des énergies renouvelables ne va pas nécessairement résoudre la crise de biodiversité. Au risque de collision étudié ici, il faut ajouter le risque que des espèces soient effrayées, et contournent de multiples centrales éoliennes. Une planification est nécessaire à grande échelle pour éviter de multiplier ces infrastructures dans les refuges de biodiversité, ou aux points de passage obligés de millions d’oiseaux migrateurs.»
(1) Gauld, J. G., Silva, J. P., Atkinson, P. W., Record, P., Acácio, M., Arkumarev, V., … & Franco, A. M. (2022). Hotspots in the grid : Avian sensitivity and vulnerability to collision risk from energy infrastructure interactions in Europe and North Africa. Journal of Applied Ecology.
David Grémillet est directeur de recherche au Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CNRS-La Rochelle Université) Chaire d’Excellence Nouvelle-Aquitaine.